Cyclines
Résumé de la fiche
Les antibiotiques de la famille des cyclines sont caractérisés par leur action bactériostatique et leur bonne diffusion tissulaire et cellulaire qui leur permet d’agir sur certains micro-organismes à développement intracellulaire. C’est une famille homogène, les principales différences entre les molécules étant d’origine pharmacocinétique. En se fixant sur la sous-unité 30S du ribosome, elles inhibent la synthèse protéique. La réduction progressive du nombre de bactéries qui leur sont sensibles, en raison d’un mécanisme de multirésistance d’origine plasmidique, à réduit leurs indications mais elles connaissent un regain d’intérêt dans certaines infections (Chlamydia, Mycoplasma). Après leur administration orale chez l’adulte l’apparition d’effets indésirables graves est exceptionnelle.
Références bibliographiques :
Bernier C, Dréno B. Minocycline. Ann Dermatol Venereol 2001, 128 : 627-637
Bonnetblanc JM. Doxycycline. Ann Dermatol Venereol 2002, 129 : 874-882
Smilack JD. The tetracyclines. Mayo Clin Proc 1999, 74 : 727-729
Sites Internet :
http://www.merck.com/pubs/mmanual/section13/chapter153/153e.htm
http://umed.med.utah.edu/MS1/pharm/study/nichols/Tetracyclines/sld003.htm
Item(s) ECN
173 : Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l'adulte et l'enfant326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant
Médicaments existants
Les cyclines sont des antibiotiques isolés de souches de Streptomyces, aujourd’hui obtenus par hémisynthèse. Elles doivent leur nom à leur structure tétracyclique commune, le noyau naphtacène-carboxamide.
Figure 1 : Noyau naphtacène-carboxamide
Formules des différentes tétracyclines :
http://umed.med.utah.edu/MS1/pharm/study/nichols/Tetracyclines/sld005.htm
En fonction de leur temps de demi-vie, les tétracyclines sont classées en molécules de :
- Première génération : chlortétracycline (1960), oxytétracycline (1963).
En France, ces deux molécules ne sont plus commercialisées que sous forme de pommade et de collyre, pour une antibiothérapie locale, ophtalmique ou dermatologique. L’oxytétracycline est également commercialisée, en association, sous forme de poudre auriculaire.
- Deuxième génération : doxycycline (1973), lymécycline (1992), méthylènecycline (ou métacycline) (1974), minocycline (1973).
La date d’obtention de l’AMM pour ces différentes molécules est indiquée entre parenthèses.
Mécanismes d’action des différentes molécules
Les tétracyclines traversent la paroi bactérienne soit en empruntant la voie des porines (pour les molécules hydrophiles) ou par diffusion à travers la couche de phospholipides (pour les molécules lipophiles). Le passage de la membrane cytoplasmique nécessite un transport actif.
Les tétracyclines sont des inhibiteurs de la traduction. Elles se fixent sur la sous-unité 30S des ribosomes, s’opposant à la fixation de l’amino-acyl-ARNt sur le site constitué par le complexe ARNm-ribosome, ce qui stoppe la phase d’élongation de la synthèse protéique.
Effets utiles en clinique
Les cyclines sont indiquées dans les infections dues à des germes sensibles, plus spécialement s’ils ont un développement intracellulaire et notamment dans leurs manifestations génito-urinaires et respiratoires :
1) Dans les infections génitales : urétrites, salpingites, orchi-épididymites, prostatites, anorectites, les cyclines trouvent une excellente indication en raison de la fréquence croissante avec laquelle Chlamydia trachomatis, Mycoplasma hominis et Ureaplasma urealyticum sont à l’origine d’infections sexuellement transmissibles, malgré leur efficacité inconstante sur le gonocoque. En cas de contre-indication aux pénicillines, les cyclines peuvent être utilisées dans le traitement de la syphilis et des autres tréponématoses.
2) Les cyclines représentent le traitement antibiotique classique de : la brucellose (en association), des rickettsioses (fièvre Q), des pasteurelloses, des borrélioses (maladie de Lyme), des leptospiroses, du choléra.
3) Dans les infections des voies respiratoires : les cyclines sont indiquées en première intention dans les pneumopathies à Chlamydia pneumoniae, Chlamydia psittaci, Coxiella burnetti, Mycoplasma pneumoniae. Elles peuvent constituer une alternative thérapeutique dans les infections à H. influenzae, dans leur localisation ORL, bronchique et pulmonaire.
4) Dans l’acné vulgaire : les cyclines sont efficaces en usage au long cours, à petites doses, par activité inhibitrice sur l’activité lipasique de certaines bactéries cutanées.
Les formes à usage local sont indiquées dans le traitement des infections bactériennes superficielles de l’œil et de ses annexes, le trachome et comme traitement d’appoint des infections cutanées staphylococciques ou streptococciques et dans les dermatoses impétiginisées.
Sans rapport avec leur activité antibiotique, les tétracyclines réduisent l’activité des collagénases, propriété intéressante dans le traitement des parodontopathies.
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
Spectre d’activité antibactérienne :
Le spectre est commun à toutes les cyclines. Initialement large, le spectre s’est beaucoup réduit du fait de l’émergence de micro-organismes résistants.
Le spectre utile, pour les molécules administrables par voie systémique, comprend :
- espèces habituellement sensibles : Brucella, Pasteurella, Haemophilus influenzae, Chlamydia (M. pneumoniae, U. urealyticum), Rickettsies (C. burnetii), Tréponèmes (T. Pallidum), Borrelia burgdorferi, Leptospires, Propionibacteium acnes,
- espèces inconstamment sensibles : N. gonorrhoea, V. cholerae.
La Résistance Bactérienne acquise aux tétracyclines est le plus souvent d’origine plasmidique. Le mécanisme le plus fréquent est une inactivation du transport actif de pénétration dans la bactérie, parallèlement à la dérépression d’un phénomène d’efflux (mécanismes sous la dépendance du système Tet). Il en résulte une baisse de la concentration intrabactérienne de l’antibiotique.
Plus rarement, la résistance est liée à une modification du site de fixation sur le ribosome ou à un processus d’inactivation chimique, oxygène dépendant.
La résistance croisée est complète entre toutes les cyclines, sauf pour la minocycline, avec laquelle elle n’est que partielle.
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
La résorption intestinale peut être réduite par la formation de complexes avec des sels de cations divalents et par la prise simultanée d’aliments. La diffusion est satisfaisante dans les différents compartiments de l’organisme, toutefois, le passage de la barrière hémato-encéphalique est insuffisant pour produire des concentrations thérapeutiques. La minocycline présente des concentrations salivaires importantes. L’élimination est mixte, par filtration glomérulaire rénale et par excrétion biliaire (cycle entéro-hépatique).
Tableau : paramètres pharmacocinétiques
Doxycycline |
Lymécycline |
Métacycline |
Minocycline |
|
Absorption (%) |
95-100 |
60 |
95-100 |
|
Tmax (h) |
2-3 |
2-4 |
2-3 |
PO : 3-4, IM : 2 |
Cmax (mg/l) |
3-5 (200 mg PO) |
1,5-4 (300 mg) |
2-3 (300 mg PO) |
PO : 1-2 (100 mg) |
IM : 1,52 (200 mg) |
||||
IV : 3-6 (100 mg) |
||||
Fixation aux protéines (%) |
80-90 |
32-64 |
75 |
70-80 |
Vd (L) |
50 |
60 |
||
Temps de demi-vie (h) |
16-22 |
8-10 |
14 |
18 |
Métabolisme |
Non |
20 % métabolite actif |
50 % métabolite inactif |
|
Cycle entéro-hépatique |
Non |
Oui |
Oui |
Oui |
Voie d’élimination |
Rénale (20%) / biliaire |
Rénale / biliaire |
Fécale (65 %) / rénale |
Urinaire (30-40 %) / fécale |
Clairance rénale (ml/min) |
31 |
10 |
Source de la variabilité de la réponse
Interactions Médicamenteuses :
- L’absorption des cyclines est diminuée, plus ou moins selon les molécules, par leur prise simultanée avec des sels de fer ou avec des sels, oxydes ou hydroxydes de magnésium, d’aluminium ou de calcium, du fait d’un phénomène de chélation (attention au lait et aux produits laitiers, aux topiques gastro-intestinaux). L’absorption des cyclines est également diminuée par la prise simultanée de didanosine, du fait de l’antiacide incorporé dans le comprimé.
- Les inducteurs des enzymes microsomiaux hépatiques accélèrent le métabolisme de la doxycycline, obligeant à une prise biquotidienne.
- L’augmentation de l’effet des anticoagulants oraux nécessite un contrôle plus fréquent du taux de prothrombine et de l’INR.
- Les cyclines ne doivent pas être associées aux rétinoïdes par voie générale (risque d’hypertension intracrânienne).
Situations à risque ou déconseillées
1. Populations Pathologiques Particulières :
Si sa prescription ne peut pas être évitée, la posologie de la minocycline doit être adaptée en cas d’insuffisance hépatocellulaire.
2. Contre-Indications :
L’hypersensibilité connue aux tétracyclines et le traitement par les rétinoïdes par voie générale constituent des contre-indications absolues.
Figure 2. Coloration jaune des dents suite à un traitement par tétracycline (mâchoire inférieure). La mâchoire supérieure d'un autre individu montre la coloration normale des dents.
Précautions d’emploi
En raison du risque de photosensibilisation cutanée il est recommandé d’éviter de s‘exposer au soleil ou aux UV.
La date de péremption des cyclines doit être impérativement respectée pour éviter les acidoses tubulaires rénales liées à leur dégradation.
Il est conseillé d’ingérer la doxycycline pendant un repas, avec une quantité suffisante de liquide, et au moins une heure avant le coucher, pour éviter les cas d’ulcération de l’œsophage, observées surtout avec les gélules, forme galénique aujourd’hui supprimée, mais qui peuvent aussi se produire avec les comprimés.
Ces molécules sont à utiliser avec précaution en cas d’insuffisance hépatique ou rénale.
Effets indésirables
Classe ou molécule |
Nature de l’effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus sur l’effet indésirable |
Toutes les cyclines |
Coloration des dents, hypoplasie de l’émail dentaire |
Modérée |
En cas de traitement prolongé chez la femme enceinte ou l’enfant de moins de huit ans |
|
Toutes les cyclines |
Photosensibilisation |
Modérée |
Eviter l’exposition au soleil ou aux UV |
|
Toutes les cyclines |
Troubles gastro-intestinaux (nausées, douleurs épigastriques, diarrhées…) |
Modérée |
Action irritative sur les muqueuses digestive |
|
Toutes les cyclines |
Réactions allergiques |
Variable potentiellement très graves |
Contre-indiquent définitivement la prescription de cyclines |
|
Toutes les cyclines |
Hypertension intracrânienne |
Grave |
Surtout chez le nourrisson |
|
Toutes les cyclines |
Pigmentation (peau, muqueuse, ongles…) |
Modérée |
20 % après 4 ans de traitement |
Dans le traitement au long cours |
Toutes les cyclines |
Hépatotoxicité |
Variable, potentiellement très graves |
Plus fréquent et sévère chez la femme enceinte |
|
Doxycycline |
Ulcération de l’œsophage |
Modérée |
Prendre les gélules au cours d’un repas, avec de l’eau et à distance du coucher |
|
Minocycline |
Syndrome vestibulaire |
Modérée |
Incidence 3-4 % |
Surveillance des effets
La réalisation d’un dosage plasmatique ne se justifie pas.