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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Ivabradine

Résumé de la fiche

L'ivabradine agit en réduisant la fréquence cardiaque, par inhibition du courant pacemaker If qui contrôle la dépolarisation spontanée diastolique lente au niveau des cellules qui expriment le courant If, dont les cellules automatiques du nœud sinusal, régulant ainsi la fréquence cardiaque sinusale.

L'ivabradine est indiquée dans l'insuffisance cardiaque chronique systolique stable de classe NYHA II à IV, chez des patients en rythme sinusal dont la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 75/min et ayant une intolérance ou une contre-indication aux bêtabloquants ; ou lorsque les patients sont insuffisamment contrôlés par les bêta-bloquants. Dans cette indication, l'ivabradine diminue la mortalité cardiovasculaire mais pas la mortalité toute cause.

L'ivabradine est métabolisée par le CYP3A4 et donc sujette à de nombreuses interactions médicamenteuses.

Les principaux effets indésirables sont des phosphènes très fréquents d'intensité légère à modérée, et parfois une bradycardie, qui peut aller au delà de l'effet recherché.

L'ivabradine étant un bradycardisant sinusal, il ne présente aucune propriété anti-arythmique et par conséquent doit être proscrit en cas de rythme non sinusal (Fibrillation auriculaire en particulier). La posologie de 7.5 mg x 2/jour ne doit jamais être dépassée.

L'ivabradine n'est plus indiquée comme traitement symptomatique des patients coronariens angineux stables, en raison d'un excès d'évènements cardiovasculaire (critère composite mortalité et infarctus du myocarde non fatal).

Item(s) ECN

232 : Insuffisance cardiaque de l'adulte
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant

Rappel physiopathologique

La fréquence cardiaque dépend des cellules pacemaker du nœud sinusal qui ont la capacité de se dépolariser spontanément. Lorsque le potentiel seuil est dépassé, il déclenche un potentiel d’action qui va se propager dans le tissu conducteur afin d'engendrer la contraction myocardique. Cette activité électrique implique le courant If qui contrôle la pente de dépolarisation diastolique lente. Le courant If permet majoritairement l’entrée de sodium et une sortie de potassium de la cellule. Il est activé dans un état d’hyperpolarisation, possède une cinétique d’activation lente et son activité est modulée par les taux intracellulaires d’AMPc.

La réduction de la fréquence cardiaque diminue la consommation myocardique en oxygène, améliore la relaxation et le remplissage ventriculaire gauche, et augmente la perfusion myocardique et donc l’apport en oxygène.

Médicaments existants

La racine DCI est -bradine pour les médicaments bradycardisants spécifiques.

Le seul inhibiteur du courant pIf commercialisé à ce jour est l’ivabradine, disponible sous forme de comprimés pelliculés à 5 et 7,5 mg pour deux prises quotidiennes.

Mécanismes d’action des différentes molécules

L’ivabradine diminue la pente de dépolarisation diastolique et réduit la fréquence cardiaque en se fixant à la face intracellulaire des canaux HCN responsables du courant If. Ces canaux sont, à priori, uniquement présent au niveau cardiaque (noeud sinusal). Ce blocage est concentration-dépendant et possible lorsque le canal est ouvert, donc activé. Le blocage est ainsi plus important à fréquence cardiaque élevée et à l’inverse ceci limite théoriquement le risque de bradycardie excessive lorsque la fréquence cardiaque de départ est basse.

L'ivabradine n'agit pas sur les temps de conduction intra-auriculaire, auriculo-ventriculaire ou intraventriculaire, sur la contractilité myocardique.

L'ivabradine peut également interagir, par manque de sélectivité, avec le courant rétinien Ih qui s'apparente au courant cardiaque If.  Lors de circonstances déclenchantes (telles que des changements rapides de la luminosité), l'inhibition partielle du courant Ih par l'ivabradine est à l'origine des phénomènes lumineux que peuvent percevoir des patients. Ces phosphènes sont décrits comme une augmentation transitoire de la luminosité dans une zone limitée du champ visuel.

Effets utiles en clinique

  • Traitement de l'insuffisance cardiaque chronique

L'ivabradine est indiquée dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique de classe NYHA II à IV avec dysfonction systolique chez les patients en rythme sinusal dont la fréquence cardiaque est ≥ 75 bpm, en association avec un béta-bloquant ou en cas de contre-indication ou d'intolérance aux béta-bloquants.

  • Traitement de l'angor stable

L'ivabradine n'est plus indiquée dans le traitement symptomatique de l'angor stable chronique chez le patient coronarien en rythme sinusal, chez les patients présentant une intolérance ou une contre-indication aux bêtabloquants et dont la fréquence cardiaque est > 70/mn ni en association aux bêtabloquants chez des patients insuffisamment contrôlés par une dose optimale de bêtabloquants (fréquence cardiaque > 70/mn sous bêtabloquants).
Cela fait suite à un excès d'évènement cardiovasculaire (critère composite mortalité cardiovasculaire et infarctus du myocarde non fatal) dans cette indication.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

La propriété pharmacodynamique principale de l'ivabradine chez l'homme consiste en une réduction dose-dépendante de la fréquence cardiaque sinusale.

Aux posologies recommandées, la fréquence cardiaque diminue approximativement de 10 bpm au repos et à l'effort.

L'ivabradine ne modifie pas la conduction intracardiaque (pas d'effet anti-arythmique), ni la contractilité (pas d'effet inotrope négatif). Elle bloque certains courant potassiques (hERG) mais la prolongation du potentiel d'action résulte surtout de l'effet bradycardiqant de la molécule. Chez des patients avec une dysfonction ventriculaire gauche (fraction d'éjection ventriculaire gauche [FEVG] entre 30 et 45 %), l'ivabradine n'a pas eu d'effet délétère sur la FEVG.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

 

Demi-vie

Absorption

Métabolisme

Elimination

Ivabradine

11 h

Biodisponibilité 40 %

L'ivabradine est fortement métabolisée par l'intestin et par le foie, impliquant uniquement le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4)

Elimination des métabolites dans les féces et dans les urines.

Source de la variabilité de la réponse

1. Interactions médicamenteuses :

Interactions médicamenteuses

Mécanisme et conséquences de l’interaction

Médicaments allongeant l'intervalle QT :

·         Médicaments à visée cardiovasculaire allongeant l'intervalle QT (ex : quinidine, disopyramide, bépridil, sotalol, ibutilide, amiodarone).

·         Médicaments non cardiovasculaires allongeant l'intervalle QT (ex : pimozide, ziprasidone, sertindole, méfloquine, halofantrine, pentamidine, cisapride, érythromycine en intraveineuse).

Interaction pharmacodynamique : L'utilisation concomitante de l'ivabradine avec des médicaments à visée cardiovasculaire et non cardiovasculaire allongeant l'intervalle QT doit être évitée car l'allongement de l'intervalle QT peut être exacerbé par l'ivabradine.

Inhibiteurs du cytochrome P450 3A4 (CYP3A4)

Contre-indiqués :

antifongiques, les macrolides, les inhibiteurs de protéase du VIH

Contre -indiqués: diltiazem ou  vérapamil ;

Nécessitant des précautions d'emploi :

fluconazole ;  jus de pamplemousse déconseillé

Interaction pharmacocinétique : L'ivabradine est exclusivement métabolisée par le CYP3A4 et est un très faible inhibiteur de ce cytochrome.

L'ivabradine n'influence pas le métabolisme et les concentrations plasmatiques des autres substrats du CYP3A4. En revanche, les inhibiteurs et les inducteurs du CYP3A4 risquent d'interagir avec l'ivabradine.

Les études d'interactions médicamenteuses ont établi que les inhibiteurs du CYP3A4 augmentent les concentrations plasmatiques d'ivabradine, alors que les inducteurs les diminuent.

Inducteurs du CYP3A4 : rifampicine, barbituriques, phénytoïne, millepertuis.

Interaction pharmacocinétique : les inducteurs du CYP3A4 peuvent diminuer l'exposition à l'ivabradine et son efficacité.

2. Interactions non-médicamenteuses :

Les aliments retardent l'absorption d'environ 1 heure et augmentent l'exposition plasmatique de 20 à 30 %. La prise de comprimés pendant les repas est recommandée afin de diminuer la variabilité intra-individuelle à l'exposition plasmatique

3. Réponses des populations pathologiques particulières :

  • Sujets âgés : aucune différence pharmacocinétique n'a été observée entre le sujet âgé (>= 65 ans), ou très âgé (>= 75 ans) et la population générale.
  • Insuffisance rénale : l'impact de l'insuffisance rénale est minime.
  • Insuffisance hépatique : chez les patients ayant une insuffisance hépatique légère, les taux d'ivabradine libre et de son principal métabolite actif sont supérieurs d'environ 20 % aux taux des sujets ayant une fonction hépatique normale

Situations à risque ou déconseillées

  • Arythmies cardiaques

L'ivabradine n'est pas efficace dans le traitement ou la prévention des arythmies cardiaques et perd son efficacité en cas de survenue d'une tachyarythmie auriculaire ou ventriculaire. Elle pourrait même augmenter l'incidence des fibrillations auriculaires chez le patient coronarien stable (Etude SIGNIFY, utilisation de fortes doses d'ivabradine dans l'angor stable). L'ivabradine n'est donc pas conseillée chez les patients présentant une fibrillation auriculaire ou d'autres arythmies cardiaques interférant avec le fonctionnement du nœud sinusal.

Si, pendant le traitement, la fréquence cardiaque au repos descend en dessous de 50 bpm ou si le patient présente des symptômes liés à la bradycardie, tels que sensations vertigineuses, fatigue, hypotension ou malaise, la posologie doit être réduite ou le traitement arrêté si la fréquence cardiaque se maintient en dessous de 50 bpm ou si les symptômes liés à la bradycardie persistent.

  • Insuffisance cardiaque chronique

L'insuffisance cardiaque doit être stabilisée avec un traitement approprié avant d'envisager le traitement par l'ivabradine. Elle est indiquée  dans l'insuffisance cardiaque chronique systolique de stade II à IV lorsque la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 75 bpm, en association avec les béta-bloquants ou en cas d'intolérance ou de contre-indication à ces derniers, après avoir introduit les autres médicaments de l'insuffisance cardiaque systolique : IEC, anti-aldostérone +/- valsartan/sacubitril.

  • Fonction visuelle

L'ivabradine a une influence sur la fonction rétinienne. A ce jour, il n'existe pas d'élément en faveur d'un effet toxique de l'ivabradine sur la rétine, mais les effets à long terme d'un traitement avec l'ivabradine au-delà de 1 an sur la fonction rétinienne ne sont pas encore connus. L'arrêt du traitement doit être envisagé s'il survient une détérioration inattendue de la fonction visuelle. L'administration de l'ivabradine sera prudente chez les patients avec une rétinite pigmentaire.

  • Patients présentant un QT long congénital ou traités par des médicaments allongeant le QT

L'utilisation de l'ivabradine doit être évitée chez les patients présentant un QT long congénital ou traités par des médicaments allongeant l'intervalle QT.

Contre-indications

·         Fréquence cardiaque de repos inférieure à 60 battements par minute avant le traitement ; maladie du sinus (« sick sinus syndrome ») ; bloc sino-auriculaire, bloc auriculo-ventriculaire du 3e degré (BAV III).

.         Traitement par diltiazem ou vérapamil

·         Hypotension sévère (< 90/50 mmHg), choc cardiogénique

·         Syndrome coronaire aigu avec élévation persistante du ST (SCA ST +, anciennement infarctus du myocarde à la phase aiguë), syndrome coronaire aigu non ST + ( anciennement angor instable)

·         Insuffisance hépatique sévère

·         Grossesse, allaitement

 

Précautions d’emploi

Le traitement par ivabradine devra être initié par un cardiologue et réévalué par ce dernier a minima  tous les ans ou à chaque augmentation de dose, nécessitant de disposer de données d’examens complémentaires. Dans l’intervalle, le traitement pourra en revanche être renouvelé par tout médecin.

Il est par ailleurs nécessaire :

  • de disposer de plusieurs mesures de la fréquence cardiaque et de réaliser un électrocardiogramme (ECG) ou un enregistrement sur 24 heures de la fréquence cardiaque par Holter ECG, pour déterminer la fréquence cardiaque de repos, avant d’instaurer un traitement par ivabradine ou d’augmenter la dose.
  • de réaliser une surveillance clinique régulière de façon à rechercher la survenue d’une bradycardie, symptomatique ou non, ainsi qu’à dépister la survenue d’une fibrillation atriale. Cette surveillance inclura si besoin un ECG en cas de signes cliniques tels que : palpitations ou pouls irrégulier.
  • d’interrompre le traitement en cas de survenue de fibrillation atriale.
  • l’ivabradine, dans son indication dans l’angor stable chronique, était uniquement un traitement symptomatique. Aucun bénéfice sur la prévention de la survenue d’infarctus du myocarde ou la réduction de la mortalité de cause cardiovasculaire ne pouvait être attendu.
  • l’utilisation concomitante de l’ivabradine avec du diltiazem (médicament utilisé dans le traitement préventif des crises d’angor) ou du vérapamil (médicament utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle et dans le traitement de l’angor) est contre-indiquée.
  • la consommation de jus de pamplemousse doit être évitée lors d’un traitement par ivabradine.
  • concernant les posologies : la dose d’initiation ne doit pas dépasser 5 mg deux fois par jour.
  • si le patient reste symptomatique après 3 ou 4 semaines de traitement et que la dose initiale est bien tolérée et si la fréquence cardiaque reste supérieure à 60 battements par minute, la posologie peut être augmentée jusqu’à 7,5 mg deux fois par jour.
  • la posologie de 7,5 mg deux fois par jour ne doit pas être dépassée.

Effets indésirables

Nature de l’effet indésirable

Description

Estimation de la fréquence

En savoir plus sur l’effet indésirable

Affections oculaires

Phénomènes lumineux (phosphènes)

Très fréquent

Des phosphènes ont été rapportés par 14,5 % des patients, décrits comme une luminosité transitoirement augmentée dans une zone limitée du champ visuel. Ils sont habituellement provoqués par de brusques variations de l'intensité lumineuse. Les phosphènes apparaissent en général dans les deux premiers mois de traitement, après quoi, ils peuvent survenir de manière répétitive. Les phosphènes sont généralement décrits comme étant d'intensité légère à modérée. Ils disparaissent le plus souvent au cours du traitement ou après le traitement, une majorité (77,5 %) disparaît pendant le traitement. Moins de 1 % des patients ont changé leurs habitudes quotidiennes ou ont interrompu le traitement à cause des phosphènes.

Vision trouble

Fréquent

 

Affections cardiaques

Bradycardie ; bloc auriculo-ventriculaire du 1er degré; extrasystoles ventriculaires

Fréquent

Une bradycardie a été rapportée par 3,3 % des patients, en particulier pendant les 3 premiers mois du traitement. 0,5 % des patients ont présenté une bradycardie sévère inférieure ou égale à 40 bpm.

Palpitations, extrasystoles supra-ventriculaires, fibrillation auriculaire

Peu fréquent

 

Affections gastro--intestinales

Nausées ; constipation ; diarrhée

Peu fréquent

 

Affections générales

Céphalées; sensations vertigineuses

Fréquent

Céphalées, généralement pendant le premier mois de traitement ; sensations vertigineuses, probablement liées à la bradycardie

Vertiges ; dyspnée ; crampes musculaires

Peu fréquent

 

Hyperuricémie ; éosinophilie ; élévation de la créatininémie

Peu fréquent

 

 

  • Intoxication aiguë et surdosage

Un surdosage peut provoquer une bradycardie sévère et prolongée. Une bradycardie sévère doit faire l'objet d'un traitement symptomatique en milieu spécialisé. Dans le cas d'une bradycardie mal tolérée hémodynamiquement, un traitement symptomatique par bêta-stimulant par voie intraveineuse tel que l'isoprénaline pourra être envisagé. Une sonde d'entraînement électrosystolique cardiaque temporaire pourra être mise en place si besoin.

Surveillance des effets

La surveillance des effets pharmacodynamiques est clinique, basée sur la fréquence cardiaque.

Il est nécessaire :

  • de disposer de plusieurs mesures de la fréquence cardiaque et de réaliser un électrocardiogramme (ECG) ou un enregistrement sur 24 heures de la fréquence cardiaque par Holter ECG, pour déterminer la fréquence cardiaque de repos, avant d’instaurer un traitement par ivabradine ou d’augmenter la dose.
  • de réaliser une surveillance clinique régulière de façon à rechercher la survenue d’une bradycardie, symptomatique ou non, ainsi qu’à dépister la survenue d’une fibrillation atriale. Cette surveillance inclura si besoin un ECG en cas de signes cliniques tels que : palpitations ou pouls irrégulier.
  • d’interrompre le traitement en cas de survenue de fibrillation atriale.
  • l’utilisation concomitante de l’ivabradine avec du diltiazem (médicament utilisé dans le traitement préventif des crises d’angor) ou du vérapamil (médicament utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle et dans le traitement de l’angor) est contre-indiquée.
  • concernant les posologies : la dose d’initiation ne doit pas dépasser 5 mg deux fois par jour.
  • si le patient reste symptomatique après 3 ou 4 semaines de traitement et que la dose initiale est bien tolérée et si la fréquence cardiaque reste supérieure à 60 battements par minute, la posologie peut être augmentée jusqu’à 7,5 mg deux fois par jour.
  • la posologie de 7,5 mg deux fois par jour ne doit pas être dépassée.

Il n’existe pas d’indication de suivi thérapeutique pharmacologique.

Médicaments associés

Béta-bloquants

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  • 31 mai 2018