Les diurétiques de l’anse agissent dans la branche ascendante de l'anse de Henlé en bloquant le cotransporteur Na+-K+/2Cl-. Ils induisent une forte augmentation de la diurèse, de l’excrétion du sodium (natriurétiques) et du potassium (kaliurétiques). De ce fait, ils induisent une contraction des volumes extracellulaires qui peut conduire à une déshydratation extracellulaire, une insuffisance rénale fonctionnelle (pré-rénale) et une hypotension artérielle orthostatique. Ils augmentent le risque d’hypokaliémie (diurétiques hypokaliémiants) et d'hyponatrémie.
Ils sont les plus puissants des diurétiques. Leur effet diurétique est corrélé à la dose. A ce titre ils peuvent être utilisés dans des situations d’urgences dans lesquelles la déplétion hydrosodée rapide est nécessaire comme dans l’œdème aigu du poumon. Leur indication principale est la surcharge hydrosodée (oedèmes de l'insuffisance cardiaque, de la cirrhose, de l'insuffisance rénale et du syndrome néphrotique).
Le furosémide est de loin le diurétique de l'anse le plus prescrit et le plus utilisé. Les diurétiques de l'anse sont les seuls diurétiques utilisables et actifs dans l’insuffisance rénale chronique.
Les diurétiques de l’anse agissent sur la portion de l’anse ascendante de Henlé (figure 1) en bloquant le cotransporteur Na+K+ 2Cl- à la face luminale (pôle urinaire). Ils bloquent la réabsorption de sodium, de potassium et de chlore. S’y associe par un mécanisme indirect une fuite urinaire de magnésium et de calcium. En revanche l’uricurie baisse et l’uricémie s’élève ainsi que le risque de déclencher une crise de goutte.
Tableau 1.
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Diurétiques de l’anse (Furosémide) |
Diurétiques thiazidiques (Hydrochlorothiazide) |
Diurétiques anti-aldostérone et apparentés |
Lieu d’action |
Branche large ascendante de l’anse de Henlé |
Segment cortical de dilution et tube contourné distal |
Fin du tube contourné distal et début du tube collecteur |
Cible pharmacologique |
Inhibition du cotransporteur Na+K+/2Cl- |
Inhibition du cotransporteur Na+Cl- |
Antagonisme du récepteur de l’aldostérone ou inhibition directe du canal sodique par les diurétiques apparentés |
Excrétion urinaire de sodium |
Jusqu’à 20% du sodium filtré du glomérule |
Jusqu’à 4% du sodium filtré du glomérule |
Jusqu’à 2% du sodium filtré du glomérule |
Excrétion urinaire de potassium |
Très augmentée |
Augmentée |
Diminuée |
Diurèse |
Très augmentée |
Modérément augmentée |
Modérément augmentée |
Excrétion urinaire d’acide urique |
Diminuée |
Diminuée |
Diminuée |
Excrétion urinaire de calcium |
Augmentée |
Diminuée |
Inchangée |
Uricémie |
Augmentée (risque de goutte) |
Augmentée |
Augmentée |
Kaliémie |
Diminuée |
Diminuée |
Augmentée |
Equilibre acide base |
Alcalose hypochlorémique |
Alcalose hypochlorémique |
Acidose hyperchlorémique |
Tolérance au glucose |
Modérément diminuée |
Modérément diminuée |
Modérément diminuée |
Risque de dyslipidémie |
Modérément augmenté |
Modérément augmenté |
Modérément augmenté |
Risque de déshydratation extracellulaire |
Très augmenté |
Augmenté |
Augmenté |
Risque d’insuffisance rénale fonctionnelle |
Très augmenté |
Augmenté |
Augmenté |
Risque d'hypotension artérielle orthostatique |
Très augmenté |
Augmenté |
Augmenté |
Figure 1.
Le furosémide est de loin le diurétique de l'anse le plus prescrit et le plus utilisé.
Tous les diurétiques de l’anse ont le même mécanisme d’action : l’inhibition du co-transporteur Na+ K+ 2Cl- (Tableau 1 et Figure 1, rappels physiopathologiques) ce qui aboutit principalement à une inhibition de la réabsorption du sodium.
Les indications principales
Il existe des formes retard qui sont indiquées dans l’hypertension artérielle essentielle mais cette indication est devenue marginale et l'indication de ces diurétiques dans l'HTA n'est plus recommandée en première intention (seul cas ou cela est encore pratiqué : HTA résistante chez l'insuffisant rénal chronique sévère).
Les indications d’urgence (formes injectables) :
Ces médicaments s’associent en règle générale à un régime pauvre en sel, puisque leur utilisation principale est celle de natriurétiques.
Fortement liés à l’albumine (96%), ces diurétiques ne sont pas filtrés par le glomérule et doivent être sécrétés dans le tube contourné proximal pour atteindre ensuite leur site d’action. Ils ne subissent pas de métabolisme hépatique. En cas d’insuffisance rénale sévère, la sécrétion tubulaire active proximale est diminuée, il faut alors augmenter les posologies pour conserver un effet natriurétique identique (et atteindre dans certains cas une dose journalière de furosémide per os de 500 mg).
Les diurétiques de l'anse entrent en compétition avec les autres médicaments liés à l'albumine, en particulier les anti-vitamine K, ce qui peut entrainer des variations de l'INR.
La biodisponibilité orale du furosémide est de 50%, celle du bumétanide proche de 100%. Aussi lors du passage de la forme per os à IV, la dose de bumétanide reste inchangée alors que celle du furosémide doit être diminunée de 50% si l’on veut un effet identique (20 mg furosemide IV = 40 mg furosémide per os = 0,5 mg bumetanide IV = 0,5 mg bumetanide per os).
La demi-vie d'élimination du furosémide est de 50 min.
Le furosémide passe la barrière hémato-encéphalique et passe dans le lait maternel.
Ce sont les seuls diurétiques utilisables et actifs chez l’insuffisant rénal chronique, les thiazidiques et anti aldostérone perdant leur efficacité et risquant de majorer la gravité de l'insuffisance rénale.
On rencontre fréquemment des cas d'insuffisance rénale consécutifs à une insuffisance cardiaque, on parle de syndrome cardio-rénal (type 1 et 2). L'insuffisance rénale est dans ce cas le fait d'une hypovolémie relative liée au bas débit cardiaque, entrainant une hypoperfusion rénale (cause pré-rénale). Cette situation n'est pas une contre-indication à l'utilisation des diurétiques de l'anse. Au contraire, corriger la surcharge hydrosodée permet d'améliorer la perfusion rénale et donc de faire régresser l'insuffisance rénale.
- Hypokaliéme avec risque d'allongement du QT et de torsades de pointes
- Alcalose métabolique
- Diminution de la filtration glomérulaire, insuffisance rénale fonctionnelle, ce d’autant que des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) leurs sont associés
- Hypomagnésémie
- Ototoxicité : elle est dose dépendante, aggravée en cas d'insuffisance rénale et de co-prescription de médicaments oto-toxiques (antibiotiques aminosides)
- Hyperglycémie
- Anomalies du profil lipidique (augmentation cholestérol total, triglycérides, LDL-cholestérol, diminution HDL-cholestérol)
- Réactions immunoallergiques (rare),
- Impuissance (rare)
- Efficacité : régression des signes d'hyperhydratation extracellulaire (poids, oedèmes)
- Tolérance : signes de déshydratation extracellulaire (chute de pression artérielle, tachycardie, pli cutané, oligurie), signes de crise de goutte
- En cas d'hypokaliémie avérée ou de co-prescription de médicaments hypokaliémiant
- Surveillance de l'intervalle QT, surtout en présence d'autres médicaments allongeant le QT
- Ionogramme sanguin : Kaliémie, natrémie, créatininémie, urémie, calcémie, bicarbonatémie
- INR : modification de l'équilibre des traitements anti-vitamine K à l'introduction ou aux changements de dose