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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Inhibiteurs calciques (sauf comme antiarythmiques)

Résumé de la fiche

La classe pharmacologie des inhibiteurs calciques (ou aussi appelés "calcium-bloqueurs" ou "antagonistes calciques" ou "anti-calciques") contient deux sous familles en fonction de la sélectivité tissulaire préférentielle de l'inhibiteur calcique :

  1. Les médicaments ayant une sélectivité vasculaire prépondérante (dihydropyridines ou aussi appelés inhibiteurs calciques non bradycardisants)
  2. Les médicaments ayant une sélectivité cardiaque prépondérante (vérapamil et diltiazem, aussi appelés inhibiteurs calciques bradycardisants)

A noter qu'on parle de sélectivité tissulaire "préférentielle" (= non absolue) afin de souligner qu'un inhibiteur calcique à sélectivité vasculaire prépondérante aura avoir tout des effets vasculaires (anti-hypertenseurs) mais ne sera pas totalement dénué d'effets cardiaques (et inversement concernant les inhibiteurs calciques ayant une sélectivité cardiaque prépondérante). La notion de dose est fondamentale concernant cette sélectivité tissulaire et ce qui est décrit dans ce chapitre sous-entend une prescription à doses normales (= doses conformes au RCP du médicament concerné) des inhibiteurs calciques.

Les inhibiteurs calciques, en fonction de leur sélectivité tissulaire préférentielle, sont indiqués dans soit dans le champs des pathologies vasculaires (hypertension artérielle principalement) soit dans le champs des pathologies cardiaques (angor, certains troubles du rythme...).

Ils agissent au niveau des canaux calciques voltage-dépendants de type L en freinant l’entrée de calcium dans les cellules musculaires lisses vasculaires et les cardiomyocytes.

Leurs effets indésirables et leurs profils d’interactions médicamenteuses sont différents en fonction de leur sélectivité tissulaire préférentielle :
Les dihydropyridines, de par leurs propriétés vasodilatatrices puissantes, sont susceptibles d’entrainer un flush, des céphalées ou des œdèmes des membres inférieurs. Elles interagissent peu avec les autres médicaments de part leur métabolisme.
Le vérapamil et le diltiazem, de part leurs propriétés inotrope, dromotrope et bathmotrope négatives, peuvent occasionner des bradycardies, des troubles sévères de la conduction, de l'insuffisance cardiaque voir un choc cardiogénique. Par ailleurs, ce sont des inhibiteurs enzymatiques puissants du CYP3A4 et de la glycoprotéine de type P avec des conséquences cliniques/thérapeutiques cliniquement significatives.

Item(s) ECN

221 : Hypertension artérielle de l'adulte
228 : Douleur thoracique aiguë et chronique
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Rappel physiopathologique

Le calcium (Ca2+) joue un rôle prépondérant dans le couplage excitation-contraction au niveau des cellules musculaires lisses et des cardiomyocytes. Ce couplage correspond à la transduction d’un signal électrique en message intracellulaire aboutissant à la contraction des cellules musculaires lisses et striées. Le calcium est également essentiel au couplage excitation-sécrétion des hormones et des neurotransmetteurs. Le calcium agit sur des canaux voltage-dépendants. Les principaux canaux calciques voltage-dépendants sont les sous-types L, N et T.
La présence et l’expression des canaux calciques de type L (CCTL) par certaines cellules, notamment les cellules musculaires lisses artérielles, les cardiomyocytes, ainsi que les cellules nodales sino-auriculaires et auriculo-ventriculaires, détermine la réponse calcique à la dépolarisation et la sensibilité aux médicaments. Ainsi, sous l’effet d’une dépolarisation membranaire, l’ouverture des CCTL favorise l’entrée du Ca2+ extracellulaire. L’augmentation du Ca2+ cytosolique conduit à la contraction des cellules musculaires lisses et cardiaques, en se fixant à la troponine (cardiomyocytes) ou à la calmoduline (cellules musculaires lisses). Ces interactions permettent notamment l’interaction actine-myosine à l’origine de la contraction.
Au niveau des cardiomyocytes, l’entrée du Ca2+dans la cellule via les CCTL est insuffisante pour entraîner la contraction mais joue un rôle de signal à l’origine de la libération de plus grandes quantités de Ca2+depuis le réticulum sarcoplasmique (concept de "calcium induced-calcium released"). Cette libération calcique calcium-induite est due aux récepteurs de la ryanodine (RyR). Il en résulte un accroissement rapide et transitoire de la concentration de Ca2+ intracellulaire (appelé sparks, ou « étincelles »), à l’origine de l’activation des protéines contractiles.
Au niveau des cellules musculaires lisses artérielles, plusieurs mécanismes sont mis en jeu. La dépolarisation de la membrane active l’ouverture des CCTL, accroissant la concentration de Ca2+ intracellulaire ; ce signal entraine l’activation de récepteurs à l’inositol triphosphate (IP3R), qui libèrent du Ca2+depuis le réticulum sarcoplasmique. Parallèlement, les canaux potassiques calcium-dépendants de large conductance (BKCa) sont activés par deux stimuli : la dépolarisation de la membrane cellulaire et la modification de la concentration cytosolique de Ca2+. L'ouverture des canaux aboutit à une sortie de K+ et à une hyperpolarisation membranaire. Cette hyperpolarisation diminue l’activité des CCTL, régulant ainsi la concentration de Ca2+ intracellulaire et le tonus vasculaire.

Médicaments existants

Les inhibiteurs calciques peuvent être diviser en deux groupes (cf résumé de la fiche) : d’une part les dihydropyridines (DHP), dont l’effet est principalement vasculaire à dose thérapeutique standard (= dose conforme au RCP du médicament),  et d’autre par le vérapamil et le diltiazem qui possèdent avant tout des effets cardiaques et de façon un peu plus minoritaire des effets vasculaires (Tableau 1). Ces médicaments sont couramment qualifiés « d’inhibiteurs calciques » (parfois de « calcium-bloqueurs » ou d' « antagonistes calciques » ou d' "anti-calciques"). Notons enfin qu’il existe des différences importantes entre les différentes molécules, à la fois sur leurs indications, leurs effets indésirables et leur profil d’interactions médicamenteuses du fait de propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques non strictement identiques.

Groupes

DCI

Nom de spécialités

Dihydropyridines

Amlodipine

AMLOR ®

 

Félodipine

FLODIL ®

 

Isradipine

ICAZ ®

 

Lacidipine

CALDINE ®

 

Nicardipine

LOXEN ®

 

Nitrendipine

NIDREL ®

 

Lercanidipine

LERCAN ® ZANIDIP ®

 

Manidipine

IPERTEN ®

 

Nifédipine

ADALATE ® CHRONADALATE LP ®

     

Phényl-alkylamines

Vérapamil

ISOPTINE ®

     

Benzothiazépines

Diltiazem

TIELDIEM ® BI-TILDIEM ® MONO-TILDIEM ® DELTAZEN LP ®

   

TILDIEM ® inj

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les inhibiteurs calciques se lient tous aux canaux calciques de type L, à la sous-unité α1 du canal, composée elle-même de quatre domaines composés chacun de six segments transmembranaires (canaux calciques de type L des cellulaires musculaires lisses et/ou des cardiomyocytes en fonction de la sélectivité tissulaire préférentielle). Le vérapamil se lie au segment 6 du domaine IV, le diltiazem au pont cytoplasmique reliant les domaines III et IV, et les DHP se lient aux domaines III (S5 et S6) et IV (S6). Cette liaison entraîne une diminution du flux calcique entrant dans la cellule.

Ces différences au niveau des sites de liaison ont un impact sur leurs effets pharmacodynamiques et expliquent la sélectivité tissulaire préférentielle. En effet, les DHP vont préférentiellement bloquer les CCTL dans les tissus pour lesquels la différence de potentiel de membrane de repos est faible. C’est le cas des cellules musculaires lisses artérielles qui sont plus dépolarisées au repos que les cardiomyocytes et ceci explique que les DHP possèdent une sélectivité tissulaire vasculaire préférentielle aux doses standards.

A l'inverse, le vérapamil et le diatiazem vont préférentiellement bloquer les CCTL dans les tissus pour lesquels la différence de potentiel de membrane de repos est plus importante. C’est le cas des cardiomyocytes et ceci explique que ces deux médicaments possèdent une sélectivité tissulaire cardiaque préférentielle aux doses standards. 

 

Effets utiles en clinique

-Principales indications (tableau 2) :

  • Traitement de l’hypertension artérielle grâce à la vasodilatation artérielle et artériolaire qui entraine une baisse des résistances périphériques et une baise de la pression artérielle. Cette indication concerne avant tout les DHP. Au vu de la sélectivité cardiaque préférentielle du vérapamil et du diltiazem, il n'existe pas de rationnel pharmacologique pour prescrire ces 2 médicaments chez un patient présentant une hypertension artérielle non compliquée et/ou non associée à un besoin d'un effet cardiaque de l'inhibiteur calcique. En d'autres termes, chez un patient présentant une hypertension artérielle non compliquée et/ou non associée à une pathologie cardiaque, les DHP sont à privilégier par rapport au vérapamil et au diltiazem. A noter également qu'en cas d'hypertension artérielle associée à une pathologie cardiaque, une DHP est le plus souvent associée à un béta-bloquant en première intention plutôt qu'au vérapamil ou au dialtiazem de part une balance bénéfice-risque plus favorable aux béta-bloquants.
  • Traitement de l’insuffisance coronaire : plusieurs indications sont basées sur des mécanismes d’action différents :

-         Angor stable et instable via l'effet anti angineux des inhibiteurs calciques ayant une sélectivité cardiaque préférentielle (vérapamil, dialtiazem par en particulier leur propriété bradycardisante diminuant les besoins énergétiques du myocarde). A noter que les inhibiteurs calciques ayant une sélectivité cardiaque préférentielle (vérapamil, dialtiazem) sont dans ce cas généralement des traitements de seconde intention en cas de contre indication aux béta-bloquants (par exemple chez un patient asthmatique).

- Angor spastique pur : Traitement de 1ère intention par les inhibiteurs calciques ayant une sélectivité cardiaque préférentielle (vérapamil, dialtiazem).

-Autres indications :

-Troubles du rythme : uniquement vérapamil (accessoirement diltiazem) (cf antiarythmiques)

-Syndrome de Raynaud pour la nifédipine (forme LP)

-Vasospasmes des artères cérébrales lors des hémorragies méningées pour la nimodipine

-Traitement de fond des migraines (principalement le vérapamil, ce qui parait surprenant de premier abord car spontanément les DHP de part leur sélectivité vasculaire préférentielle auraient paru être de meilleurs candidates, mais dans cette indication le vérapamil est prescrit à très fortes doses allant jusqu'à 1200 mg/j (doses bien supérieures aux doses recommandées dans le RCP du vérapamil pour les indications cardiaques; doses au maximum de 240 mg/j). A ces fortes doses, le vérapamil perd sa sélectivité cardiaques préférentielle et va aussi exercer des effets vasculaires significatifs (mais conserve des effets cardiaques qui sont même majorés (effets dose-dépendants) avec un risque nettement majoré d'effets indésirables cardiaques de type bradycardies avec de telles doses).

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

- Effets vasculaires :
• coronaires :
Tous les inhibiteurs calciques (mais majoritairement les DHP) diminuent les résistances vasculaires et augmentent le débit sanguin coronaire, augmentant ainsi les apports myocardiques en O2.
Chez le patient coronarien, les artères sténosées ayant une moindre capacité à se dilater, il existe en cas de vasodilatation intense et rapide un risque d’hémo-détournement vers les territoires irrigués par des artères coronaires saines, parfois appelé « vol coronaire ». Par ailleurs, une vasodilatation périphérique brutale augmente parallèlement et transitoirement l’activité sympathique par stimulation du baroréflexe, ce qui se traduit par une augmentation de la charge de travail myocardique (tachycardie et augmentation de la force de contraction). Cet effet est notamment observé avec les DHP à demi-vie courte (nifédipine par exemple), qui sont donc disponibles sous forme à libération retardée pour éviter ce phénomène délétère.

• périphériques :
Les inhibiteurs calciques (principalement les DHP) diminuent le tonus artériel. La vasodilatation périphérique est particulièrement marquée avec les DHP, et concerne principalement les artères de résistance. La diminution des résistances vasculaires périphériques entraîne une diminution de la pression artérielle. Cette diminution de la post-charge facilite l’éjection ventriculaire gauche et diminue indirectement la consommation myocardique en O2. Les inhibiteurs calciques ont un effet veineux très modeste et ne modifient donc pas la précharge, contrairement aux dérivés nitrés.
L’effet vasodilatateur est également présent au niveau cérébral (indication de la nimodipine pour réduire le vasospasme des artères cérébrales au cours des hémorragies méningées).

- Effets cardiaques :
L’action des inhibiteurs calciques sur le cardiomyocyte est à l’origine de leur effet inotrope, bathmotrope et dromotrope négatifs. Bien que cet effet existe théoriquement pour tous les inhibiteurs calciques, il est plus marqué avec le vérapamil et le diltiazem aux doses standards (les DHP aux doses standards n'ont pas/peu d'effets cardiaques; par contre en cas de surdosage, les DHP peuvent exercer des effets cardiaques significatifs).

DCI Effets vasculaires Effet inotrope négatif Effet chronotrope négatif Effet dromotrope négatif
 Vérapamil ++  +++  +++ +++
 Diltiazem  ++  ++  +++ +++
 Dihydropyridines  +++ +/-  +/- +/-

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Les inhibiteurs calciques sont caractérisés par une bonne absorption digestive mais avec un effet de premier passage hépatique marqué, expliquant une biodisponibilité orale moyenne.
Ils se distinguent principalement les uns des autres par des demi-vies d’élimination variables et le risque d'interactions médicamenteuses.

Les inhibiteurs calciques à demi-vie courte présentent l'inconvénients de nécessiter plusieurs prises par jour dans le cas d'une hypertension artérielle par exemple. Des formes à libération prolongée sont également utilisées pour diminuer le nombre de prises quotidiennes et lisser les concentrations plasmatique.


Les inhibiteurs calciques sont métabolisés par différentes isoformes du cytochrome P450 (CYP), notamment le 3A4/5, ce qui peut donner lieu à des interactions médicamenteuses en cas d’association avec un inhibiteur de cette voie (avec un retentissement clinique souvent modeste pour les DHP).
Le vérapamil et le diltiazem sont quant à eux des inhibiteurs puissants des cytochromes CYP3A4 et de la glycoprotéine de type P. Leur association à des médicaments substrats du CYP3A4 et de la glycoprotéine de type P expose au risque de surdosage de ce dernier et par conséquent à la survenue d'effets indésirables. Ces interactions sont fréquentes au quotidien et responsables d'effets indésirables cliniquement significatifs.

 

Source de la variabilité de la réponse

La principale source de variabilité des inhibiteurs calciques est représenté par les interactions médicamenteuses.

En effet, en cas de prescription d'un inhibiteur calcique par exemple substrat du CYP3A4 ou de la glycoprotéine de type P à un inhibiteur de ce même CYP ou de cette même glycoprotéine (amiodarone par exemple), il est à craindre un surdosage avec élévation significative des concentrations plasmatiques de l'inhibiteur calcique, faisant craindre une exagération des effets thérapeutiques pharmacodynamiques et donc faiant craindre des effets indésirables (hypotension artérielle avec les DHP, bradycardie sévère avec le vérapamil...).

Les inhibiteurs calciques bradycardisants (à sélectivité cardiaque préférentielle, vérapamil et diltiazem) sont des puissants inhibiteurs du CYP3A4 et de la glycoprotéine de type P et peuvent donc faire varier la réponse thérapeutique d'autres médicaments eux mêmes substrats de ce même CYP ou de cette même glycoprotéine en cas de co-prescription.

Situations à risque ou déconseillées

Contre-indications  :

Molécule

CI

Vérapamil,  Diltiazem 

Hypersensibilité

Bradycardies sévères et blocs auriculo-ventriculaires du 2ème et du 3ème non appareillés

Dysfonctions sinusales

Insuffisance cardiaque non contrôlée, dysfonction ventriculaire gauche sévère, choc cardiogénique

Hypotension artérielle

Dihydropyridines

Hypersensibilité

Hypotension artérielle

Précautions d’emploi

Surveillance dans certaines situations :

  • Sujet âgé : augmentation progressive des posologies et recherche de la dose minimale efficace; attention aux interactions médicamenteuses en particulier avec le vérapamil et la diltiazem qui sont des puissants inhibiteurs du CYP3A4 et de la glycoprotéine de type P.
  • Insuffisance rénale : pas de modification du profil pharmacocinétique et pas d’adaptation de posologie à réaliser avec les inhibiteurs calciques les plus utilisés en clinique (Amlodipine, Verapamil, Diltiazem).
  • Insuffisance hépatique : prudence notamment chez le cirrhotique (déficit possible de l’élimination).

Effets indésirables

Tableau 3 : Principaux effets indésirables des inhibiteurs calciques

EI liés à la vasodilatation artérielle

Dihydropyridines

Vérapamil

Diltiazem

Flushs (bouffées vasomotrices)

++

-

-

Céphalées (en début de traitement)

++

±

±

Oedèmes périphériques (dilatation précapillaires) parfois très importants et résistants aux diurétiques

++

±

±

Hypertrophie gingivale

Assez exceptionnel

exceptionnel

exceptionnel

Aggravation de l’angor

Molécules à courte durée d’action

Molécules à courte durée d’action

Molécules à courte durée d’action

Tachycardie-palpitation

+

-

-

EI liés au blocage des canaux calciques cardiaques 

Dihydropyridines

Vérapamil

Diltiazem

Troubles de conduction

-

+

+

Insuffisance cardiaque

-

+

+

Bradycardie

-

+

+

Autres EI

Dihydropyridines

Vérapamil

Diltiazem

Constipation

-

+

-

Diarrhée

±

-

-

Surveillance des effets

La surveillance de l’efficacité clinique et des potentiels effets indésirables des inhibiteurs calciques est basée principalement sur la clinique (signes fonctionnels à l'interrogatoire, mesure de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque... à l'examen clinique) ainsi que sur une surveillance régulière de l’ECG.

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  • 11 mai 2023