Oestroprogestatifs comme traitement hormonal substitutif

Résumé de la fiche

Le traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS) doit intervenir au mieux dans les 2-3 ans suivant la ménopause avérée biologiquement et durer plusieurs années. La ménopause s’accompagne d’une perte osseuse importante potentiellement dangereuse à long terme chez au moins 30% des femmes. Avec les oestrogènes utilisés en France, à l’inverse de ceux utilisés aux USA, plusieurs grandes études montrent qu’il n’y a pas d’augmentation notable du risque de cancer du sein, qu’il persiste un risque thrombo-embolique modéré (x par 2 à 2,5). Il y a même un léger effet protecteur cardiovasculaire (RR = 0,72 (IC à 95% : 0,56-0,92) et une réduction de 25% du risque de cancer de l’endomètre et de 50% de celui du colon. La voie transdermique (gel, patch) est moins thrombogène. Le but du traitement, à poursuivre 2 à 3 ans en continu, est de maintenir le capital osseux et de retarder l’installation de l’ostéoporose : réduction de 40% en prévention primaire du risque de fracture ultérieure du col du fémur. Un apport contrôlé de vitamine D et de calcium dans l’alimentation, accompagné par un exercice physique adapté à l’âge, reste le point préventif le plus efficace, surtout sur le long terme. Le THS n’est plus recommandé dans la prévention de l’ostéoporose en première intention. Un tiers des cas d’ostéoporose se rencontre chez l’homme pour lequel ce traitement hormonal est formellement contre-indiqué . Le maintien grace à ces estrogènes des caractères sexuels secondaires en plus de l'effet anti-ostéoporotique, est plus d’ordre cosmétologique mais ne doivent pas être négligés : trophicités de organes génitaux et maintient de la libido, diminution des bouffées de chaleur de plus de 50%, maintien de la souplesse de la peau, de la forme des lèvres et des seins et des dépôts adipeux gynoïdes de la silhouette féminine : hanches, épaules, … .

Item(s) ECN

120 : Ménopause et andropause
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Rappel physiopathologique

L’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette caractérisée par une diminution de la résistance osseuse entraînant un risque accru de fracture (Afssaps 2006). Le critère densitométrique osseux est une perte de plus de 2,5 déviations standard par rapport à l’adulte jeune. Le vieillissement du squelette étant naturel, la densitométrie osseuse ne doit pas être le seule critère de mise sous traitement et l’ensemble des facteurs du risque fracturaire est à considérer : IMC < 19, poids < 60 kg et grande taille, antécédents familiaux, diabète, manque de calcium, vit D et exercice sportif, corticothérapie de plus de 3  mois, alcoolisme, tabagisme, ménopause précoce, multiparité > 5, célibat et éducation secondaire ou plus. A 50 ans, le risque à venir de fracture (hanche, vertèbre ou poignet) est de 40% pour la femme et de 13% pour l’homme, avec une mortalité de 20% dans l’année qui suit.

En première intention contre l’ostéoporose identifiée, il faut utiliser des traitements ciblés sur l’augmentation de l’accrétion osseuse, avec un petit effet sur le risque fracturaire : biphosphonates, ranélate de strontium, raloxifène. Le THS n’est indiqué en première intention que chez la femme souffrant de troubles du climatère déclarés gênants quel que soit son statut ostéoporotique, ou en cas d’intolérance aux traitements sus-indiqués.
 

On utilise un mélange séquentiel d’estrogène, œstradiol ou estriol, et de progestatif au moins 10 jours par mois en fin de cycle pour éviter un cancer de l’endomètre que favorise les estrogènes pris seuls : progestérone naturelle ou bien la didrogestérone. On dispose de formes orales mais surtout dermiques (crèmes, gel, patch, ovule) pour minimiser l’effet thrombotique des pics d’estrogènes pris per os. Les très faibles doses d’œstrogènes utilisées pour traiter les signes de la ménopause ne semblent pas toujours suffisantes pour avoir un effet antiostéoporotique. Les estrogènes ont par eux-mêmes un effet direct anti-ostéoclastique. La dose est ajustée en fait à la disparition des symptômes climatériques. Ils provoque une augmentation de la densité osseuse de 2 à 4% en 12-24 mois de traitement où cet effet plafonne. A l’arrêt du traitement, la densité osseuse rediminue comme naturellement mais on a gagné quelques années.

Médicaments existants

• Les oestrogènes seuls

Estradiol oral : ESTRADIOL G, ESTROFEM, OROMONE, PROGYNOVA, PROVAMES 1 ou 2 mg cp pellic ; ESTREVA 1,5 mg cp séc.

Estradiol en gel percutané: DELIDOSE 0,5 et 1 mg/g gel ; ESTREVA gel 0,1% ; OESTRODOSE et OESTROGEL à 0,06%

Estradiol percutané en patch transdermique pour 3 ou 4 jours : CLIMARA 5à mg/24h ; DERMESTRIL 25, 50, 100 µg/24h ; DERMESTRIL SEPTEM 25, 50, 75 µg/24h ; ESTRADERM TTS 25 µg/24h ; ESTRADIOL G GAM 50 µg/24h ; ESTRAPATCH 40, 6à, 80 µg/24h ; FEMSEPT 50, 75, 100 µg/24h ; OESCLIM 25, 37,5, 50, 75 µg/24h ; THAIS 25, 50, 100 µg/24h ; THAIS SEPT 25, 50, 75 µg/24h ; VIVELLEDOT 25, 37,5, 50, 75, 100 µg/24h.

Estriol oral : PHYSIOGYNE 1 mg cp pellic.

• Les progestatifs seuls :

Chlormadinone orale en cp : CHLORMADINONE G 2, 5, 10 mg ; LUTERAN 2, 5, 10 mg.

Dydrogestérone : DUPHASTON 10 mg cp pellic ;

Médrogestone : COLPRONE 5 mg cp ;

Nomégestrol : LUTENYL 3,75 mg cp et 5 mg cp sec; NOMEGESTROL G 5 mg cp séc.

Progestérone : MENAELLE 100 mg caps molle, PROGESTERONE G 100 et 200 mg caps molle ; UTROGESTAN 100 et 200 mg caps molle et ovule vaginal.

Promégestone : SURGESTONE 0, 125 ; 0,25 ; 0,5 mg cp.

• Associations estroprogestatives fixes :

Estradiol + cyproterone : CLIMENE cp enrb ;

Estradiol + diénogest : CLIMODIENE 2 mg/2 mg cp enrob ;

Estradiol + drospirénone : ANGELIQ 1 mg/2 mg cp enrob ;

Estradiol + dydrogestérone : CLIMASTON 1 mg/10 mg, 1 mg/5mg, 2mg/10 mg cp pellic ;

Estradiol + gestodène : AVADENE 1 mg/0,025 mg et 2 mg/0, 05 mg cp pellic ;

Estradiol + lévonorgestrel en dispositif transdermique: FEMSEPTCOMBI 50 µg/10 µg/24h et FEMSEPTEVO 50 µg/7 µg/24h;

Estradiol + médroxyprogestérone cp : DIVINA ; DUOVA 1 mg/2,5 mg; 1 mg/5 mg; 2 mg/5 mg;

Estradiol + nomégestrol : NAEMIS cp ;

Estradiol + noréthistérone cp pellic : ACTIVELLE; KLIOGEST; NOVOFEMME; TRISEQUENS.

• Traitement symptomatique des bouffées de chaleur :

La tibolone en cp, progestatif dont 2 métabolites ont une forte activité estrogénique : LIVIAL 2,5 mg ; TIBOLONE G 2,5 mg en 1 cp/jour ;

La bêta-alanine, traditionnellement utilisée : ALBUFENE 400 mg cp en 5 à 10 jours/mois.

Les phytoestrogènes du soja contiennent des isoflavones qui ont des effets estrogéniques substitutifs, au moins in vitro, mais un risque potentiel de cancer du sein n’est pas à exclure.

• Traitement locaux des troubles trophiques vaginaux :

Estriol en crème vaginale : GYDRELLE, PHYSIOGYNE, TROPHYCREME à 0,1% ;

Estriol en ovule vaginal : PHYSIOGYNE 0,5 mg ;

Estriol + progestérone + lactobacillus casei var rhamnosus Döderleini, en gélule vaginale : FLORGYNAL, TROPHIGYL ;

Promestriène : COLPOTROPHINE 1% crème et 10 mg caps vagin

Mécanismes d’action des différentes molécules

Estrogènes : La voie transdermique n’a pas d’effet thromboembolique comme lors des pics de prise per os. Le 17-bêta-estradiol est le plus utilisé, avec un effet positif dose-dépendant sur l’os mais aussi avec un risque de mastodynie.

Progestatifs : A associer au moins 10 jours par mois pour protéger l’endomètre : soit œstrogène en continu avec interruption, sur 25 jours/mois pour préserver de « fausses » règles par hémorragie de privation ;

En continue sans interruption, 31 jours/mois ;

Cyclique avec interruption : OE plus PG du 14ème au 25ème jour ;

Cyclique sans interruption : OE plus PG du 18ème au 31ème jour.

Les progestatifs ont parfois un effet androgénique délétère sur le profil lipidique. On utilise ici la progestérone naturelle, peu androgénique ou la dydrogestérone, sans effet androgénique, ou les prégnanes (chlormadinone, médrogestone, médroxyprogéstérone) et les norprégnanes (nomégestrol, promégestone) quasiment sans effet androgénique. L’acétate de cyprotérone a à l’inverse une forte activité antiandrogénique. Les nor-stéroîdes dont les estranes (noréthindrone ou lynestrénol) et les gonanes (lévonorgestrel) des pilules anticonceptionnelles classiques, à l’activité androgénique élevée sont à proscrire.

Effets utiles en clinique

L’estrogène maintient le potentiel d’accrétion osseuse si un apport suffisant de calcium et de vit D est fourni par la diététique et si un minimum d’exercice physique est pratiqué assidûment par le sujet. Le progestatif s’oppose aux effets cancérigènes potentiels de l’estrogène sur les seins, l’ovaire, l’endomètre, ainsi qu’à la modification athérogène de la formule lipidique. Les signes climatériques de la ménopause présent chez 60% des femmes et déclarés gênants par les 2/3 d’entre elles sont supprimés, mais des traitements symptomatiques ciblés existent aussi : tibolone pour les bouffées de chaleur, ovules crèmes et gels vaginaux d’estrogène pour les troubles trophiques. Le maintien des caractères sexuels secondaires est efficace : peau, lèvres, dépôts gynoïdes des seins, épaules, hanches, … timbre de la voix, chevelure, … .

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

L’administration des estrogènes, plus ou moins progestatifs, n’a pas d’effet thromboembolique en administration percutanée alors qu’on le retrouve avec certains dérivés per os. Des formes locales vaginales visent plutôt au maintien de la trophicité génito-urinaire.

Source de la variabilité de la réponse

L’absorption des formes percutanées est beaucoup plus reproductible que la prise per-os. La dose initiale de traitement est minime puis est augmentée par palier jusqu’à réponse clinique et disparition des signes climatériques .

Situations à risque ou déconseillées

Les antécédents de mastopathie, de troubles thrombotiques ou d’affections cardio-vasculaires, lese troubles des lipides sanguins contre-indiquent le traitement.

Précautions d’emploi

Le traitement ne doit être entrepris que si la patiente se plaint de symptômes climatériques : bouffées de chaleur, prise de poids, troubles de l’humeur, insomnie, troubles urinaires, sécheresse vaginale principalement, et si elle les ressent comme gênants. Une information sur le risque cancéreux du THS et sa surveillance est obligatoire et le rapport bénéfice/risque doit être discuté. Un suivi annuel est recommandé avec une fenêtre thérapeutique ou un arrêt définitif du traitement après 2 à 5 ans maximum de traitement

Effets indésirables

Les risques (mesurés) de cancers du sein, de thrombose, cardiovasculaires ou de dis-lipidémie, d’hyperglycémie sont surveillés par un suivi orienté au cours du traitement.

Surveillance des effets

Un contrôle semblable au suivi des traitements par pilules anticonceptionnelles (poids, HTA, lipides, glycémie, examen gynécologique et palper des seins, effets indésirables oestrogéniques et/ou progestogéniques) est effectué 2 fois/an.

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  • 31 mai 2017