Les statines constituent une famille thérapeutique qui agit en inhibant l'HMG-CoA réductase, une enzyme limitante pour la synthèse hépatique du cholestérol. Cette inhibition stimule secondairement l’expression des récepteurs aux LDL, permettant leur entrée dans la cellule cible.
Au niveau biologique, les statines :
Elles ont également un effet préventif sur les maladies cardiovasculaires et représentent les seuls traitements hypolipémiants à avoir montré un bénéfice sur la mortalité totale.
Les statines possèdent une tolérance satisfaisante au regard de leur intérêt clinique mais il est possible d’observer une toxicité au niveau musculaire et hépatique. Ce risque de toxicité peut être particulièrement augmenté par des interactions médicamenteuses, notamment avec des inhibiteurs des cytochromes P450. Une surveillance particulière est à réaliser concernant la fonction hépatique et la survenue d’effets indésirables musculaires. La prescription de ces médicaments doit être limitée aux strictes indications définies par l’AMM. En particulier, ces molécules ne sont pas indiquées dans l’hypertriglycéridémie.
HMG : High Density Lipoprotein ; HMG : hydroxyméthylglutaryl ; LDL : Low Density Lipoprotein ; VLDL : Very Low Density Lipoprotein
Inhibiteurs de l’HMG CoA-reductase (ou statines) commercialisés en France :
DCI |
Noms commerciaux |
Dosage |
Atorvastatine |
TAHOR et génériques |
10, 20, 40, 80 mg |
Fluvastatine |
LESCOL, FRACTAL et génériques |
20, 40, LP 80 mg |
Pravastatine |
ELISOR, VASTEN et génériques |
10, 20, 40 mg |
Rosuvastatine |
CRESTOR |
5, 10, 20 mg |
Simvastatine |
ZOCOR, LODALES et génériques |
10, 20, 40 mg |
Classification des statines en fonction de leur posologie et de l'intensité des effets ("Principales dyslipidémies : stratégies de prise en charge", HAS 2017) :
Les inhibiteurs de l’HMG-Co A réductase ou statines inhibent de façon compétitive l’activité de HMG-CoA réductase en se substituant à son substrat naturel, l’HMG CoA, au niveau du site catalytique de l’enzyme. L’HMG CoA réductase est l’enzyme permettant la transformation de l’HMG CoA en mévalonate, étape limitante de la synthèse du cholestérol par les cellules (Figure 1).
Figure 1. Mécanisme d’action des statines.
Les statines provoquent une diminution de la concentration intracellulaire de cholestérol en particulier dans les hépatocytes.Cette chute de concentration du cholestérol libre intra-hépatocytaire active les mécanismes moléculaires responsables de la sur-expression des récepteurs au LDL permettant l’augmentation de la capture des lipoprotéines athérogènes (LDL, remnants, IDL) par les hépatocytes. D’un point de vue biologique, il en résulte une réduction de la concentration plasmatique du LDL cholestérol. La diminution du LDL circulant contribue également à la diminution des VLDL probablement du fait de la suppression de la synthèse de l’apolipoprotéine B.
En plus de leur effet bénéfique sur la diminution du cholestérol, les statines agissent en diminuant l’inflammation et le stress oxydant et en exerçant une « up » régulation de l’activité de la NO synthase endothéliale. Ainsi, les statines améliorent les fonctions endothéliales et stabilisent la plaque athéromateuse.
Les statines sont indiquées dans le traitement des hypercholestérolémies primaires ou des dyslipidémies mixtes en complément d’un régime alimentaire, lorsque la réponse au régime et aux autres traitements non pharmacologiques (par exemple exercice physique, perte de poids) s'avère insuffisante (tableau 1). Les statines constituent la première ligne du traitement médicamenteux de l’hypercholestérolémie isolée, lorsque cela est justifié ; les statines recommandées (meilleur coût-efficacité) sont la simvastatine et l’atorvastatine. Une autre statine peut être utilisée en cas d’intolérance (HAS 2017).
L’atorvastatine, la rosuvastatine et la simvastatine sont indiquées dans le traitement des hypercholestérolémies familiales homozygotes en complément d'un régime et d'autres traitements hypolipémiants.
Toutes les statines à l’exception de la fluvastatine sont indiquées en prévention d’un premier événement cardiovasculaire. Seules la pravastatine, la fluvastatine et la simvastatine sont également indiquées dans la prévention secondaire cardiovasculaire (réduction de la mortalité et de la morbidité cardiovasculaires) chez les patients ayant une pathologie cardiovasculaire avérée d'origine athéroscléreuse ou un diabète.
Tableau 1. Les indications des statines commercialisées en France telles que définies dans leur RCP respectifs (Base publique des médicaments 2017) (HC : hypercholestérolémie ; LP : libération prolongée)
HC pures ou mixtes |
HC familiale homozygote |
Prévention primaire |
Prévention secondaire |
Autres | |
Atorvastatine | X | X | X | - Enfants ≥10 ans | |
Fluvastatine | X | X (après angioplastie coronaire) |
- HC sévères pour la forme LP - Enfants ≥9 ans |
||
Pravastatine | X | X | X | - HC post transplantation - Enfants ≥8 ans |
|
Rosuvastatine | X | X | X | - Enfants ≥6 ans | |
Simvastatine | X | X |
X (sujet diabétique ou avec pathologie cardiovasculaireavérée d'origine athéroscléreuse) |
X | - Enfants ≥10 ans |
La HAS a adopté en 2017 une position sur le choix de la statine ("Principales dyslipidémies : stratégies de prise en charge", HAS 2017), sur la base de la fiche de Bon Usage des Médicaments « Prévention cardio-vasculaire : le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience » (HAS 2012) et du rapport d’évaluation médicoéconomique « Efficacité et efficience des hypolipémiants : une analyse centrée sur les statines » (HAS 2010).
Le choix de la statine la mieux adaptée dépend :
Toutes les statines ayant montré une efficacité similaire sur la mortalité totale, le choix de la statine va donc dépendre de l’objectif de LDL-cholestérol et du niveau de risque du patient. Ces recommandations de bon usage sont résumées dans le tableau 2.
Tableau 2. Choix de la statine selon le niveau de risque cardiovasculaire (CV) du patient, le HDL initial et la baisse de LDL visée (rapport HAS 2017) :
Globalement, l’efficacité des statines apparaît dépendre plus du niveau de risque cardiovasculaire que de l’importance des perturbations lipidiques. Des études cliniques (Tableau 3) ont établi qu’il est important de faire baisser le LDL cholestérol même pour des hypercholestérolémies modérées. L’étude HPS a été plus loin puisqu’elle a montré qu’en cas de risque cardiovasculaire élevé, une statine peut avoir une efficacité de prévention même pour des taux jugés normaux de cholestérol et de HDL cholestérol.
En revanche, concernant la prévention des accidents vasculaires cérébraux, le bénéfice de l’utilisation des statines n’est pas clairement corrélé à leur activité sur la baisse du cholestérol.
Tableau 3. Caractéristiques générales et principaux essais de prévention utilisant les statines. (Review, Arch Intern Med 2005 en accès libre)
Objectif |
Etude |
Traitement |
Evènements (réduction de risque %)
|
||
Coronariens |
Accident |
Mortalité totale |
|||
Prévention primaire |
WOSCOPS |
Pravastatine |
-31 |
ns |
-22 |
Prévention primaire |
AFCAPS |
Lovastatine 40mg/j |
-37 |
? |
NS |
Prévention primaire chez les hypertendus |
ASCOT-LLA |
Atorvastatine |
-36 |
-27 |
NS |
Prévention primaire et secondaire chez des patients à haut risque |
HPS |
Simvastatine |
-27 |
-25 |
-13 |
Prévention primaire et secondaire chez des patients de plus de 70 ans |
PROSPER |
Pravastatine |
-15 |
NS |
NS |
Prévention secondaire |
4S |
Simvastatine 20/10 mg/j |
-34 |
-30 |
-30 |
Prévention secondaire |
LIPID |
Pravastatine 40mg/j |
-29 |
-19 |
-22 |
Prévention secondaire |
CARE |
Pravastatine 40mg/j |
-24 |
-31 |
-9 |
Les propriétés pharmacocinétiques des statines sont variables d’une molécule à l’autre (tableau 4). On peut toutefois retenir que :
Tableau 4. Récapitulatif des données pharmacocinétiques concernant les 5 statines commercialisées en France. (Source : Igel M et al. J Clin Pharmacol, 2002 ; Bellosta L et al. Circulation 2004)
Caractéristiques PK |
Atorvastatine |
Fluvastatine |
Pravastatine |
Rosuvastatine |
Simvastatine |
||
Absorption |
Prodrogue |
non |
non |
non |
non |
oui |
|
Fraction absorbée (%) |
30 |
98 |
35 |
20 |
60-85 |
||
Tmax (h) |
2-4 |
0,5-1,5 |
1-1,5 |
3-5 |
1,3-2,4 |
||
Biodisponibilité (%) |
12 |
10-35 |
17 |
75 |
<5 |
||
Distribution |
Liaison aux protéines (%) |
≥98 |
≥99 |
50 |
90 |
95 |
|
Lipophilie |
lipophile |
lipophile |
Hydrophile |
Hydrophile |
lipophile |
||
Métabolisme |
CYP3A4 |
CYP2C9 |
absence |
CYP2C9 |
CYP3A4 |
||
Elimination |
Demi-vie (h) |
11-30 |
0,5-2,3 |
1-3 |
20 |
2-3 |
|
% urine |
2 |
5 |
30 |
10 |
13 |
||
% fèces |
70 |
90 |
70 |
90 |
60 |
||
La simvastatine et l’atorvastatine, métabolisées par le CYP3A4 sont les molécules pour lesquelles le risque d’interactions médicamenteuses avec les inhibiteurs du CYP3A4 est le plus élevé.La fluvastatine et la rosuvastatine métabolisées par le CYP2C9 présentent un potentiel d’interactions médicamenteuses bien inférieur. Le premier passage hépatique de la pravastatine ne fait pas intervenir de CYP, son potentiel d’interactions médicamenteuses est plus faible (Tableau 5).
Tableau 5. Interactions médicamenteuses avec les statines. Les résultats sont exprimés en ratio d’aire sous la courbe des concentrations (AUC) de statines en présence d’inhibiteur / AUC en l’absence d’inhibiteur (d’après « Interactions médicamenteuses et hypolipémiants. » Becquemont L. Thérapie 2003)
|
Atorvastatine |
Fluvastatine |
Pravastatine |
Rosuvastatine |
Simvastatine |
Itraconazole |
3 |
1 |
NS |
1.3 |
19 |
Erythromycine |
1.3 |
|
|
1 |
6.2 |
Diltiazem |
|
|
1 |
|
5 |
Vérapamil |
|
|
|
|
4.6 |
Amiodarone |
|
|
|
|
? |
Ciclosporine |
6 |
1.9 |
1 |
|
3 |
Ritonavir |
1.8 |
|
0.5 |
|
30 |
Jus de pamplemouse |
2.5 |
|
1 |
|
16 |
Sont contre-indiqués |
|
|
|
Ciclosporine |
Itraconazole |
Comme avec les fibrates, l’association de certaines statines génère des interactions avec les anticoagulants oraux avec risque d’augmentation de leur effet anticoagulant et donc du risque hémorragique.
A coté des interactions médicamenteuses pharmacocinétiques, au cours desquelles les concentrations en statines sont augmentées, il est indispensable de signaler les interactions pharmacodynamiques (association de 2 molécules possédant le même profil de toxicité). L’association de 2 agents hypolipémiants myotoxiques (statine-fibrate), pourtant déconseillée, potentialise le risque de survenue d’évènement indésirable d’origine musculaire (ainsi qu’hépatique).
La survenue de myopathie est principalement favorisée par des posologies élevées, des interactions médicamenteuses, mais également des pathologies associées. L’hypothyroïdie dont le tableau clinique comprend des myopathies favorise incontestablement l’élévation des CPK chez les patients traités par statines. Il en est de même pour l’insuffisance rénale, l’alcoolisme, des infections virales et des déficits enzymatiques congénitaux affectant le muscle.
Les statines sont contre-indiquées dans les situations suivantes :
L’instauration d’un traitement par statine doit se faire après confirmation de la dyslipidémie malgré un régime et une hygiène de vie adaptés. Une statine est alors prescrite associée à des mesures d’accompagnement tels qu’une activité physique et un régime alimentaire adapté.
Dans des situations particulières (insuffisance rénale, antécédents de maladies musculaires génétiques, antécédents personnels de toxicité musculaire lors d’un traitement par statine ou fibrate, abus d’alcool, hypothyroidie, patients agés >70 ans), les CPK doivent être mesurées avant de débuter un traitement et le rapport bénéfice/risque doit être bien évalué.
Il est recommandé de demander aux patients de signaler toute douleur musculaire inexpliquée, crampe ou faiblesse musculaire.
Un bilan biologique hépatique doit être réalisé avant le début du traitement.
La prise du traitement doit préférentiellement avoir lieu le soir.
Le risque d’interactions médicamenteuses est à prendre en compte (cf chapitre variabilité de la réponse).
La prescription de statines avec des anticoagulants oraux nécessite des contrôles plus fréquents de l’INR, du fait de l’augmentation de l’effet de l’anticoagulant oral et du risque hémorragique.