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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Pharmacocinétique

Etapes du devenir du médicament

Les points essentiels

L’étude du devenir du médicament dans l’organisme, ce que l'on appelle la pharmacocinétique, est importante pour définir les modalités d’administration du médicament, à savoir la voie d’administration, la dose et le rythme d’administration. Elle permet également de connaître l’influence potentielle des caractéristiques du sujet (âge, pathologies…) ou des médicaments associés.

On pourrait assimiler les étapes du devenir du médicament à un « parcours de santé » d’une substance devant atteindre une cible avant de disparaître, parcours semé d’embûches ou au contraire d’entrains, parcours nécessitant le passage de certaines barrières et la diffusion dans certains liquides. En termes pharmacocinétiques, ces étapes regroupent l’Absorption de la molécule, la Distribution dans l’organisme, l’Elimination comprenant la biotransformation ou Métabolisme et l’excrétion (ADME).

L’étape d’absorption est directement liée au mode d’administration choisi pour que la molécule atteigne sa cible via la circulation générale. Il est aisé de comprendre que l’étape d’absorption peut être directe et complète en cas d’administration intra-veineuse, ou plus longue voire incomplète (notion de biodisponibilité) notamment en cas d’administration orale où le médicament doit d’abord franchir la lumière intestinale, le système porte, puis le foie avant d’atteindre la circulation générale.

Le médicament va devoir traverser des membranes cellulaires pour cette étape d'absorption et pour l'étape suivante de distribution dans l'organisme, qui lui permettra d'atteindre sa cible moléculaire. Certaines molécules franchissent ces membranes facilement, d’autres molécules peuvent nécessiter des transporteurs spécifiques pour passer.

Une fois distribué dans l’organisme, en fonction de leurs caractéristiques chimiques les médicaments peuvent ou non subir certaines transformations, le plus souvent hépatiques. Le foie correspond à une énorme usine sur le parcours du médicament. Ces biotransformations (ou métabolisme hépatique) sont réalisées par différents systèmes enzymatiques pouvant soit permettre la transformation de molécules inactives (prodrogues) en molécules actives, soit plus généralement la transformation du médicament en métabolites actifs ou inactifs mais plus faciles à éliminer.

Enfin le médicament est éliminé de l’organisme soit sous forme inchangée soit après biotransformation. Cette étape d’excrétion, irréversible, se fait dans les urines le plus souvent (voie rénale) ou dans les fécès (voie biliaire). Certaines molécules peuvent être réabsorbées, ce qui définit un cycle entéro-hépatique.

Ces phénomènes sont présentés dans le schéma général

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Schéma général

shema general

Figure n°1 : schéma général du devenir du médicament dans l'organisme

 

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Absorption

L’absorption correspond à l’ensemble des phénomènes intervenant dans le transfert du principe actif médicamenteux depuis son site d’administration jusqu’à la circulation sanguine. Cette étape du devenir du médicament chez l’homme est essentielle à étudier car elle peut être à l’origine d’une variabilité importante de la réponse aux médicaments notamment par le biais d’interactions médicamenteuses significatives.

1. Les différentes voies d'administration

Plusieurs voies d’administration sont possibles (figure 1) :

• Par voie générale ou systémique :
- intra-veineuse et intra-artérielle
- sous-cutanée et intra-musculaire
- nasale, sub-linguale, orale (ou per os), rectale


• Par voie locale ou in situ :
- inhalée, oculaire et intra-oculaire, cutanée ou transdermique
- intra-articulaire et intra-thécale

Le choix de la voie d'administration dépend de l’objectif thérapeutique (rapidité d’effet, limitation des effets systémiques), des possibilités d'administration chez le malade, des propriétés physico-chimiques et de la taille des molécules (résistance à l’acidité gastrique et aux enzymes digestives, facilité à passer les barrières capillaires ou digestives …) et des processus d’élimination de ces médicaments (biotransformation intestinale, hépatique).

Par voie générale, on peut distinguer de façon simple 2 types de voies d’administration, d’une part les voies d’administration où le médicament rejoint la circulation générale soit directement soit au travers de la paroi capillaire et les voies d’administration où les médicaments rejoignent la circulation générale au travers de la barrière digestive puis par le système porte et donc un premier passage obligé par le foie.

3.1.3.figure1

Figure n°2. Différentes voies d'administration des médicaments

Voie intra-veineuse

La voie intra-veineuse représente la voie d’administration de référence pour l'absorption dans la mesure où le médicament atteint directement la circulation générale. L’absorption est complète et rapide, le seul facteur limitant étant la vitesse d’administration du médicament.

Voies sous-cutanée et intra-musculaire

Les voies d’administration sous-cutanée et intra-musculaire imposent aux médicaments de franchir la barrière capillaire. Par ces voies, le médicament atteint la circulation générale sans passage obligé par le système porte et le foie. L’absorption sera plus ou moins complète et plus ou moins rapide en fonction des propriétés physico-chimiques des médicaments.

Voie orale ou per os

La voie d’administration orale ou per os impose au médicament un passage au travers de la barrière digestive puis le passage de la paroi capillaire. Ce passage peut se faire par simple diffusion passive ou faire intervenir des phénomènes plus complexes avec mise en jeu d’un système de transporteurs favorisant ou au contraire limitant l’absorption.

Enfin, les cellules intestinales (entérocytes) sont pourvues de systèmes enzymatiques et le médicament peut subir à ce niveau des biotransformations, le médicament étant détruit avant même d’atteindre le compartiment sanguin.

Une fois la barrière digestive franchie, pour rejoindre la circulation générale le médicament doit passer par le système porte et le foie où il peut subir des biotransformations par les systèmes enzymatiques des hépatocytes. Le métabolisme des médicaments peut être, dans certains cas, suffisamment important pour que la quantité de médicament atteignant la circulation générale soit réduite de façon significative. On parle alors d’effet de premier passage hépatique (EPPh) (ex: propranolol).

Voie rectale

Cette voie présente les mêmes caractéristiques que la voie orale mais elle permet d’éviter en partie un éventuel effet de premier passage hépatique dans la mesure où les veines hémorroïdales inférieures et moyennes ne rejoignent pas le système porte.

Voies sub-linguale et nasale

Ces 2 voies permettent également une absorption très rapide et sans effet de premier passage hépatique : les médicaments, une fois la paroi capillaire franchie, atteignent directement la circulation générale. 

Administrations locales

Ces voies sont surtout utilisées lorsqu’on veut obtenir un effet rapide et/ou éviter un effet systémique (passage dans la circulation générale). Toutefois un passage systémique du médicament est toujours possible.

2. Principes généraux de l'absorption

Le médicament doit d’abord être mis en solution afin de franchir les membranes, particulièrement pour les médicaments administrés par voie orale. Pour cette raison, on distingue classiquement, dans les mécanismes d’absorption, les deux étapes suivantes :

• Une étape de libération ou dissolution

• Une étape de résorption

Ces deux étapes sont aussi importantes l’une que l’autre dans la mesure ou elles vont pouvoir être un facteur limitant de la vitesse et de la quantité de médicament qui atteindra la circulation systémique après administration.

La libération correspond à la désintégration de la forme solide de la molécule (comprimé, gélule, poudre, dragée, cristaux...) en une forme résorbable par l’organisme. On peut alors contrôler, par le choix d’un mode de fabrication approprié, la durée de la libération du principe actif, le lieu et la vitesse de l’absorption. La modification de la formulation galénique d’un médicament peut ralentir l’absorption avec une mise en solution lente, et ainsi permettre de prolonger l’effet du médicament dans le temps (formes « retard ») et/ou de réduire le nombre de prises quotidiennes et/ou d’éviter les effets de pic de concentration (voir influence des formes et voies d'administration). Par exemple, on peut fabriquer des formes à libération prolongée : la substance active est alors enfermée dans une trame qui permet une diffusion progressive et donc une résorption tout au long du tractus digestif. Il existe également des formes à libération retardée : pour protéger les substances détruites en milieu acide, on peut élaborer des comprimés entourés de pellicules gastrorésistantes, résistants ainsi à la désintégration par les sucs gastriques. La libération n’est pas prolongée mais seulement déplacée, et la résorption se fera essentiellement au niveau intestinal.

La résorption, quant à elle, n’intervient qu’une fois la libération et la mise en solution obtenue.

3. Mécanismes de résorption par voie orale

Tous les mécanismes impliqués dans l’absorption des médicaments sont mis en jeu au cours d’une administration par voie orale. Aussi, cette voie d’administration sera principalement détaillée dans ce chapitre.

Une fois le médicament administré, il doit pouvoir se dissoudre dans le milieu gastro-intestinal et ne pas être détruit par l’acidité des sécrétions gastriques ou par les enzymes contenues dans la lumière intestinale. La dissolution du médicament se fait plus ou moins rapidement selon l’hydrosolubilité des médicaments et la formulation galénique. Une fois cette dissolution obtenue, le médicament passe la barrière digestive principalement par diffusion passive ou par phénomène de transport actif.

Diffusion passive

Pour diffuser passivement à travers la membrane gastro-intestinale, membrane de nature lipidique, les molécules doivent être liposolubles et non ionisées. Aussi la vitesse de diffusion des substances médicamenteuses dépend essentiellement de la concentration de la forme non ionisée du médicament et de sa liposolubilité.

Les médicaments sont le plus souvent des bases faibles, plus rarement des acides faibles. Ces médicaments existent donc sous 2 formes, ionisée et non ionisée, or seule cette dernière franchit les membranes. La concentration de la forme non ionisée dépend du pKa du médicament et du pH du milieu dans lequel il se trouve. Un acide faible se trouvera essentiellement sous forme non ionisée en milieu acide et son absorption sera favorisée dans l’estomac. A l’inverse une base faible, très fortement ionisée en milieu acide, ne sera pas absorbée au niveau de l’estomac mais sera absorbée au niveau intestinal où le pH est plus élevé.

Ce processus va dans le sens d’un gradient de concentration, il ne consomme donc pas d’énergie. Il n’est pas spécifique d’un médicament, n’est pas saturable et il n’existe pas de phénomène de compétition. Il dépend bien évidemment de la masse molaire de la substance médicamenteuse, les molécules de grande taille (>1000 Da) étant moins bien absorbées que les petites molécules.

Transport actif

Ce phénomène correspond au passage du médicament à travers la membrane gastro-intestinale contre un gradient de concentration après formation d’un complexe du médicament avec un transporteur membranaire. Ce mécanisme est spécifique, saturable et peut subir des phénomènes de compétition. Ce processus peut être inhibé ou induit par d’autres substances médicamenteuses. Ces phénomènes d’interactions médicamenteuses peuvent donc être à l’origine d’une variation plus ou moins importante de la quantité de médicament absorbée.

Parmi l’ensemble des transporteurs de la barrière intestinale, la P–Glycoprotéine (P-gp), semble être au premier plan dans la limitation de l’absorption des médicaments, comme par exemple pour les inhibiteurs des protéases et les statines.

 Bio-transformation intestinale et hépatique: effets de premier passage

Les entérocytes et les hépatocytes sont pourvus de nombreuses enzymes de phase I (cytochromes P450) et de phase II (conjugaisons). Ces mécanismes de biotransformation sont détaillés dans le chapitre biotransformation. Ces réactions enzymatiques peuvent parfois être suffisamment importantes pour limiter l’absorption du médicament lors de son passage au travers des entérocytes avec un effet de premier passage (EPP) intestinal. Une fois que le médicament a atteint le système veineux porte, il peut subir une biotransformation par les systèmes enzymatiques des hépatocytes. Là encore la fraction de médicament biotransformée lors de ce premier passage au niveau du foie peut être suffisamment importante pour réduire encore la fraction absorbée : on parle d’effet de premier passage (EPP) hépatique. Cet EPP n’est pas toujours négatif notamment dans le cadre de « prodrogues », médicaments inactifs qui deviennent actifs au cours des biotransformations qu’il subit lors de l’EPP.

Facteurs de variabilité de l’absorption par voie orale

Au total la quantité de médicament absorbée va dépendre (figure 2) :

• De ses propriétés physico-chimiques : liposolubilité (coefficient de partage, Log P), son degré d'ionisation (constante d'ionisation, pKa), taille (masse moléculaire)
• De la forme galénique du médicament : la vitesse de libération du principe actif et le lieu de la résorption dépendent de la forme galénique (comprimés à libération prolongée, gastrorésistants...) 
• De l’activité enzymatique des entérocytes et des hépatocytes et des systèmes transporteurs entérocytaires (interactions médicamenteuses éventuelles) 
• Du patient lui-même avec tous les facteurs affectant le pH gastrique, la vidange gastrique et la motilité intestinale, que ces facteurs soient physiologiques (âge, alimentation…), pathologiques (digestives ou hémodynamiques) ou médicamenteux

Les autres voies d’administrations répondent aux mêmes mécanismes d’absorption que la voie orale en dehors de l’effet de premier passage hépatique et intestinal.

3.1.3.figure2

Figure n°3 : résorption par voie orale

4. Paramètres résumant l'absorption

Notion de biodisponibilté

La biodisponibilité (F) d’un médicament est définie comme la fraction de la dose administrée ou du principe actif libéré par la forme pharmaceutique qui parvient sous forme inchangée dans la circulation sanguine systémique et la vitesse à laquelle se réalise ce processus. Lorsque l’administration se fait par voie intraveineuse, aucun doute sur la quantité de médicament ayant atteint la circulation sanguine : on dit que la biodisponibilité est de 100%.

Pour toutes les autres voies d’administration, la biodisponibilité peut être incomplète en raison des phénomènes suivants (Figure 2) :
• Absorption (incluant les caractéristiques physico-chimiques des médicaments, la physiopathologie : condition circulatoire sanguine au site d’administration, vitesse de transit intestinal, composition du milieu intestinal (enzymes, pH…))
• Effet de premier passage (intestinal, hépatique ou pulmonaire...)

La biodisponibilité d’un médicament (F) peut se calculer simplement par comparaison de l’aire sous la courbe (ASC) des concentrations plasmatiques en fonction du temps obtenue par la voie d’administration considérée par rapport à l’ASC obtenue avec une administration IV. Par exemple pour une administration per os :

F = [ dose IV x ASC orale ] / [ dose orale x ASC IV ]

La vitesse à laquelle le médicament est résorbé est également un paramètre important de l’absorption pour toutes les voies d’administration autres que la voie intra-veineuse. En effet de cette vitesse dépendra le délai d’apparition des effets des médicaments qu’il s’agisse des effets thérapeutiques ou indésirables. Le paramètre permettant d'évaluer la vitesse de l'absorption est le Tmax, c'est à dire le temps nécessaire pour atteindre la concentration sanguine maximale (Cmax).

Des modifications galéniques sont parfois utilisées pour ralentir la vitesse d’absorption soit afin d’éviter l’apparition d’effets indésirables éventuellement associés à une apparition trop rapide et trop importante du médicament, soit afin de réduire la fréquence d'administration du médicament.

Cette vitesse d’absorption peut être exprimée en demi-vie d’absorption définie par le temps qu’il faut pour que la moitié du médicament soit absorbée. Elle correspond à l’inverse de la pente d’apparition des concentrations plasmatiques.

Risques d'interactions médicamenteuses

Il conviendra d'être particulièrement vigilant lors de la manipulation de médicaments possédant une faible biodisponibilité. Certains médicament ont en effet une biodisponibilité faible après administration par voie orale, essentiellement en raison d'un effet de premier passage hépatique ou intestinal. C'est notamment le cas du tacrolimus (F = 20-25%), du vérapamil (F = 20-30%) ou de la felodipine (F = 15%). En cas d'interaction médicamenteuse, l'exposition de l'organisme à ces médicaments pourra varier de manière très importante. Par exemple la consommation de jus de pamplemousse (inhibiteur des CYP3A4)  augmente d'un facteur 3 l'absorption de la felodipine par inhibition des cytochrome intestinaux : sa biodisponibilité passe de 15 à 45%, ce qui peut être à l'origine d'un surdosage. Ce risque d'interaction médicamenteuse avec des inhibiteurs enzymatiques sera beaucoup plus faible avec les médicaments possédant une biodisponibilité élevée, puisque la variation de l'exposition sera bien moindre (ex : une biodisponibilité passant de 90 à 95% aura peu de répercussions).

 

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Distribution

Depuis le site d’entrée et après résorption, le médicament est distribué dans la circulation générale : les substances sont transportées par le sang dans les différents tissus de l’organisme. On résume sous le terme « distribution » le transport du médicament au niveau sanguin (phase plasmatique) puis sa diffusion dans les tissus (phase tissulaire).

1. Transport sanguin

Le sang joue le rôle d’un véhicule de transport par le plasma, les hématies et les protéines circulantes susceptibles de fixer la substance médicamenteuse. On parle alors de fixation aux protéines plasmatiques. Cette fixation est réversible.

La substance médicamenteuse injectée en intra-veineux ou résorbée se retrouve en contact avec les protéines aptes à fixer des substances exogènes comme le médicament. La substance médicamenteuse se retrouve alors sous forme libre ou liée aux protéines. Notons ici que seul le médicament libre est pharmacologiquement actif : on perçoit alors toute l’importance de cette étape de distribution dans le devenir du médicament dans l’organisme. Quelles sont les protéines concernées ? Peut-on définir l’importance de la liaison aux protéines ? Quelles sont les conséquences de la liaison ? La fraction libre peut-elle varier ?

La liaison aux protéines plasmatiques

Il existe un nombre important de protéines plasmatiques. Les principales protéines impliquées dans la fixation protéique sont l’albumine, l’alpha1-glycoprotéine, les lipoprotéines et les globulines.

• L’albumine est la plus abondante et présente de nombreux sites pouvant interagir avec des substances médicamenteuses 
• L’alpha1-glycoprotéine est la plus petite en taille et est très riche en glucides
• A l’inverse, les lipoprotéines sont de grande taille et contiennent des quantités variables de lipides expliquant leur classification ; on distingue alors les HDL (high density lipoprotein), les LDL (low density lipoprotein) et les VLDL (very low density lipoprotein). 
• Enfin, les globulines sont un groupe important de protéines susceptibles de fixer les médicaments et on distingue les alpha-, bêta- et gamma-globulines en fonction de leur masse molaire

La liaison médicament – protéine dépend de plusieurs facteurs : l’affinité du médicament pour les sites de liaison, le nombre de sites de liaison «disponibles» et la concentration du médicament.

• L’affinité, comme son nom l’indique, définit la capacité de fixation du médicament à la protéine. La fixation aux protéines peut être très forte même si l’affinité est faible : il suffit que la concentration en médicament soit élevée, ou que le nombre de sites disponibles soit important. La fixation aux protéines peut être faible avec une très forte affinité.
• La quantité de protéines disponibles pour la fixation peut varier en fonction de l’état physiologique et pathologique notament l'hypoalbuminémie.

La fixation est définie par le pourcentage de liaison pouvant aller de 0 à 100%. Par exemple, la fixation aux protéines plasmatiques de certains anti-inflammatoires est de 95%. La fixation du paracétamol est par contre nulle. On considère qu’une substance est fortement liée si son pourcentage de fixation dépasse 75%. Cette fixation aux protéines plasmatiques est importante, car seul le médicament sous sa forme libre est actif car pouvant atteindre sa cible membranaire ou intracellulaire. La forme liée agit comme une réserve qui ne traverse pas les membranes. 


On parlait autrefois d'interactions médicamenteuses au niveau de la fixation aux proteines plasmatiques, deux médicaments pouvant théoriquement entrer en compétition sur le même site de fixation protéique, l'un pouvant "défixer" l'autre et théoriquement augmenter sa fraction libre (active). En fait, si théoriquement (dans un tube à essai) ces considérations sont exactes, cliniquement elles n'ont que peu de conséquences. En effet, la fraction libre (ou fu pour unbound fraction) étant également la fraction éliminée, si la liaison aux protéines plasmatiques diminue cela entraine une augmentation de la fraction éliminée et les concentrations ne sont que transitoirement modifiées [Benet et al, CPT, 2002]. De plus, si la fixation à une protéine plasmatique diminue, le médicament "défixé" va se fixer sur une autre protéine plasmatique. Cela s'observe en cas d'hypoalbuminémie sévère, situation dans laquelle on peut même observer une diminution des concentrations circulantes de médicaments très fixés par rapport à celles observées chez les sujets sains.

 Fixation au niveau des éléments figurés

La fixation aux éléments figurés apparaît moins grande que celle relative aux protéines plasmatiques. 

Pour résumer, lorsque le médicament atteint le plasma, il peut soit être fixé aux protéines plasmatiques, soit être fixé aux éléments figurés, soit se retrouver sous forme libre, c’est à dire sous forme active, diffusible dans les tissus.

 

2. Diffusion tissulaire

La diffusion ou distribution tissulaire est le processus de répartition du médicament dans l’ensemble des tissus et organes. La diffusion tissulaire présente les mêmes mécanismes que la diffusion au niveau sanguin. Les facteurs limitant de la diffusion tissulaire sont :
- la fixation aux protéines tissulaires qui déterminera la forme libre
- les caractéristiques physico-chimiques de la molécule, à savoir sa masse molaire, la lipophilie (coefficient de partage), le pKa de la molécule (qui conditionne son état d'ionisation ou non ionisation) et donc de sa capacité à franchir les membranes vasculaires et cellulaires
- l’irrigation des organes et le débit sanguin
- la participation de transporteurs membranaires faisant entrer (transporteurs d'influx) ou sortir (transporteurs d'efflux) les médicaments des cellules


Fixation protéique et distribution tissulaire

La diffusion tissulaire d’un médicament sera d’autant plus importante que la concentration plasmatique du médicament sous forme libre sera élevée. Cette forme libre est inversement proportionnelle à la fraction fixée aux protéines, qu’il s’agisse des protéines plasmatiques mais aussi des protéines tissulaires. L’intensité de la liaison constitue un des facteurs modulant la distribution tissulaire, 
Enfin, pour un même médicament, la quantité fixée peut être différente d’un tissu à l’autre en fonction de l’affinité. Prenons l’exemple du tissu cérébral : il est riche en lipides et a une grand affinité pour les molécules liposolubles. La distribution au niveau de cet organe sera donc plus importante pour les molécules liposolubles.

Caractéristiques physico-chimiques du médicament et distribution tissulaire

La résorption des médicaments dépend étroitement des propriétés physico-chimiques du médicament tels que le pKa et le coefficient de partage. Aussi, la plupart des propriétés énoncées ci-dessous ont été présentées dans le chapitre «Absorption». Ces mêmes facteurs jouent un rôle déterminant pour la distribution au niveau des organes. 
• La diffusion tissulaire à partir du plasma nécessite le passage de membranes lipidiques que sont les membranes cellulaires. Rappelons que le franchissement de telles membranes se fait par diffusion pour les molécules liposolubles, mais est infranchissable aux molécules hydrophiles du fait de la double couche phospholipidique de la membrane. Le franchissement de la barrière sang-tissu sera possible pour les molécules hydrophiles par l’intermédiaire de transporteurs spécifiques si l’affinité aux transporteurs est élevée. On distingue le transport actif, qui nécessite de l’énergie car va dans le sens contraire du gradient de concentration et le transport passif, qui va dans le sens du gradient de concentration. La diffusion à travers une membrane lipidique pour passer la barrière sang-tissu constitue donc un facteur limitant de la distribution tissulaire des médicaments.
• Par ailleurs, l’état d'ionisation des molécules, dépendant du pKa de la molécule et du pH du milieu, exerce aussi une influence. Par exemple, seule la fraction non-ionisée des molécules [NI] pénètre au niveau cérébral.
• Enfin, rappelons que l’obstacle membranaire n’existe pas pour les substances de faible masse molaire (ex: acides gras, ethanol)

 Irrigation des organes et distribution tissulaire

Il faut distinguer les organes bien irrigués, comme le foie, les reins, le cœur, les poumons et le cerveau, et les organes ou tissus peu perfusés comme l’os, la peau et les graisses. Il existe une corrélation entre la vitesse de perfusion tissulaire et la vitesse de distribution vers ce même tissu.

Participation des transporteurs membranaires de médicaments

Un certain nombre de transporteurs médicamenteux transmembranaires conditionnent la diffusion d'un médicament dans un organe. Il y a tout d'abord les transporteurs d'influx (comme les Organic-Anion-Transporting Polypeptide (OATP) par exemple pour le foie ou les Organic Anion Transporter (OAT)/ Organic Cation Transporter (OCT) pour le rein) qui permettent rapidement de capter les médicaments dans le cellules d'un organe. Cet influx peut être atteindre 100% d'un médicament pénétrant dans un organe comme le foie ou le rein (figure n°4), assurant un effet de premier passage hépatique ou une sécrétion tubulaire rénale quasi complet(e). Ces grâce à ces mécanismes de transport d'influx que des médicaments peuvent se concentrer dans certains organes. Il existe également des transporteurs d'efflux comme la P-glycoprotéine déjà mentionnée dans les phénomènes limitant l'absorption intestinale qui peuvent limiter la pénétration de certains médicaments dans un organe. La figure n°5 met en évidence ce transporteur d'efflux dans l'intégrité de la barrière hémato encéphalique qui limite la pénétration cérébrale de nombreux médicaments.

                      ProtEfflux

figure n°4: les transporteurs d'influx participent à la diffusion des médicaments                           

etapes du devenir fig 4

 figure n°5: les transporteurs d'efflux s'opposent à la diffusion des médicaments dans des organes

Pour résumer, une substance médicamenteuse est d’autant mieux distribuée qu’elle présente une faible fixation aux protéines plasmatiques, une forte affinité pour les protéines tissulaires et/ou une liposolubilité importante et/ou qu'il existe des transporteurs d'influx. La distribution est d’autant plus rapide qu’elle concerne des organes ou tissus bien perfusés.

3. Paramètres résumant la distribution

La distribution dans l’organisme est résumée par le volume de distribution.

Le volume de distribution (Vd) se calcule à partir de la quantité de médicament dans l’organisme divisé par la concentration plasmatique du médicament.

Vd = Quantité / concentration

Ce volume est un volume théorique qui serait atteint s'il y avait une répartition homogène de la molécule dans le volume, c’est à dire que la concentration du médicament serait partout identique à celle du plasma. Devant une forte fixation tissulaire, la concentration plasmatique est faible et le volume de distribution sera important (inversement proportionnel). Devant une faible fixation tissulaire, la concentration plasmatique est élevée et le volume de distribution sera faible. Pour comprendre ce phénomène de volume de distribution théorique, fictif, prenons le cas d’un être humain standard : il a 40 litres d’eau corporelle, dont environ 3-4 litres de plasma et pourtant le volume de distribution des antidépresseurs imipraminiques par exemple est estimé à plus de 1000 litres. Ceci explique pourquoi une estimation d’un volume de distribution d’un médicament au dessus de 3-4 litres laisse supposer la présence d’un compartiment autre que le compartiment sanguin, car il sous-entend une forte distribution dans un des tissus de l’organisme : c’est le compartiment périphérique. Prenons un autre exemple : soit un médicament administré par voie intra-veineuse à la dose de 100 mg. La concentration après injection est mesurée à 5 mg/L, soit un volume apparent de distribution de 20 L. Il s'agit là d'une faible distribution tissulaire. Prenons un autre médicament administré à la même dose, si la concentration mesurée est de 1 mg/L , le volume apparent de distribution est de 100 L, soit une importante distribution tissulaire.

La fixation protéique (Fu) est également un paramètre de la distribution.

Ainsi, à l’état d’équilibre, on considère que le sang est le reflet de ce qui se passe dans l’organisme, même si les concentrations dans les différents tissus sont généralement différentes. En toute rigueur, dans l’équilibre plasma-tissus, il ne faudrait tenir compte que de la fraction libre du médicament, c’est à dire la fraction diffusible. Mais le rapport forme liée / forme libre est souvent constant et la mesure de la concentration totale est suffisante pour la surveillance thérapeutique, c’est à dire pour déterminer la marge entre efficacité et toxicité ou marge thérapeutique ou index thérapeutique.

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Biotransformations

Le terme "biotransformation" désigne les diverses modifications chimiques que subissent les médicaments dans l’organisme pour donner naissance à des métabolites. Les biotransformations sont principalement effectuées par réactions enzymatiques. Un médicament peut subir plusieurs biotransformations aboutissant à la formation de plusieurs métabolites.

La principale fonction des biotransformations est de rendre hydrosolubles des molécules lipophiles afin d’en favoriser l’élimination de l’organisme : en effet, les molécules lipophiles passent les membranes pendant les phases d’absorption et de distribution, mais à l’inverse leur liposolubilité ne permet pas leur élimination par voie rénale sous forme inchangée. Elles seront alors soit excrétées directement par voie biliaire, soit biotransformées avant excrétion rénale ou biliaire. Certains médicaments ne subissent pas de biotransformations : on dit qu’ils sont éliminés de l’organisme exclusivement sous forme inchangée.

D’une manière générale, les biotransformations sont des réactions de défense de l’organisme qui conduisent à des molécules moins toxiques et moins actives que la molécule parente. Néanmoins, les métabolites peuvent aussi être plus actifs ou plus toxiques que le médicament administré. Lorsque le principe actif est inactif et que son métabolite est actif, le médicament est appelé « prodrogue ». Par exemple, le valganciclovir est une prodrogue du ganciclovir.

Les biotransformations des médicaments sont essentiellement hépatiques et intestinales même s'il existe aussi un métabolisme pulmonaire, rénal ou plasmatique. On distingue deux types de biotransformations, classées en phase I et phase II (figure 6).

3.1.5 figure1

Figure 6.

1. Métabolisme de phase I :  réactions de fonctionnalisation

Le métabolisme hépatique par réaction de phase I est du à des réactions de fonctionnalisation, consistant à modifier ou adjoindre des groupements fonctionnels par des réactions d’oxydation, de réduction et d’hydrolyse. Une réaction de fonctionnalisation est illustrée sur la figure 6, permettant de transformer un médicament lipophile en un métabolite hydrophile, via le cytochrome P450.

3.1.5.figure2

Figure 7 : réaction de phase I par CYP450

Réactions de fonctionnalisation et cytochromes P450

Les réactions d’oxydation sont principalement dues aux enzymes microsomales. Ces enzymes sont présentes dans de nombreux tissus mais sont majoritaires localisés au niveau hépatique et intestinal.

Un très grand nombre de réactions d’oxydation sont catalysées par les cytochromes P450 (plus de 90%). Les cytochromes P450 (CYP) sont répartis en quatre familles (CYP1, CYP2, CYP3 et CYP4), puis en  sous-familles (CYP1A, CYP2D, etc.) et en isoenzymes (CYP3A4, CYP2D6, etc.). Chaque isoenzyme métabolise préférentiellement des substrats déterminés. Parmi les cytochrome P450 les plus impliqués dans le métabolisme des médicaments, on retrouve par ordre décroissant le CYP3A4 (plus de 50% des médicaments), puis 2D6, 2C9, 1A2 et 2E1. Un même médicament peut aussi être métabolisé différentes iso-enzymes. Une liste des médicaments substrats préférentiellement métabolisés par les divers iso-enzymes du cytochrome P450 est fournie dans le tableau 1.

L’activité enzymatique des différents cytochromes peut elle-même être modifiée par les médicaments : certains augmentent l'activité des cytochromes et sont appelés inducteurs enzymatiques, d'autres diminuent l'activité et sont appelés inhibiteurs enzymatiques.

Tableau 1. Liste (non-exhaustive) de médicaments métabolisés par le CYP 450 et liste des principaux inducteurs et inhibiteurs de ces cytochromes.

Cytochromes Substrats Inhibiteurs Inducteurs
CYP1A2

Clozapine, olanzapine
Théophylline
Clomipramine, imipramine
Caféine
Lidocaine
Zulmatriptan

Ciprofloxacine, norfloxacine
Fluvoxamine
Légumes (brocolis, choux)
Tabac (goudrons)
CYP2C9

Antivitamines K
AINS : ibuprofène, diclofénac, meloxicam...
Phénytoïne
Cyclophosphamide
Fluoxétine
Fluvastatine
Hypoglycémiants : glibencamide, gliclazide, glimépiride
Antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (sartans)
THC

Acide valproïque
Antigongiques imidazolés
Amiodarone
Fluvastatine

Antituberculeux : rifampicine +++
Antiépileptiques : phénobarbital, carbamazepine, phénytoïne
Bosentan
CYP2C19

Omeprazole
Diazepam
Imipramine
Citalopram
Gliclazide
Proguanil

Inhibiteurs de la pompe à protons : omeprazole...
Clobazam
Fluconazole

Rifampicine
Anitépileptiques : phenobarbital, phenytoïne
Ritonavir
CYP2D6

Antidépresseurs
Antispychotiques : aripiprazole, halopéridol, rispéridone...
β-bloquants
Codeine

Bupropion
Chloroquine
Chlorpromazine, halopéridol
Clomipramine
Ectasy
Ritonavir
Antidépresseurs : fluoxetine, paroxetine, sertraline...
Amiodarone

-
CYP3A4/5

Benzodiazépines
Antidépresseurs tricycliques
Dihydropyridines
Antigongiques imidazolés
Antalgiques morphiniques
Antiprotéases
Immunosuppresseurs
Statines...

Jus de pamplemousse
Antigongiques imidazolés
Macrolides
Antiprotéases (ritonavir)
Amiodarone
Diltiazem, verapamil
Cobisistat

 

Antituberculeux : rifampicine +++, rifabutine
Antirétroviraux : efavirenz, nevirapine
Antiépileptiques : phénobarbital, carbamazepine, phénytoïne, oxcarbazépine
Millepertuis
Modafinil



 

Induction des CYP450

Une induction des cytochromes P450 entraîne une accélération du métabolisme des médicaments. Celle-ci va se traduire par :
• une diminution de l’effet si les métabolites sont inactifs
• une augmentation de l’effet ou de la toxicité si les métabolites sont actifs

L’induction est un phénomène lent puisqu'il implique l'augmentation de l'expression des gènes des cytochromes et la synthèse des protéines correspondantes. Ses effets peuvent commencer à se voir dès les premières 24h pour les inducteurs puissants (rifampicine). Les substances inductrices du cytochrome P450 les plus connues sont la rifampicine, le phénobarbital, la carbamazépine et l’alcool (Tab. 1). A l'arrêt du traitement inducteur, il faut quelques jours encore pour revenir à une activité enzymatique basale.

L’exemple le plus connu est celui de la warfarine (antivitamine K, AVK) : son métabolisme est augmenté par induction du CYP2C9 par la carbamazépine (anti-convulsivant) et la rifampicine (antituberculeux). Afin de maintenir l’effet anticoagulant, il faut augmenter les doses de warfarine, exposant ainsi à un risque hémorragique à l’arrêt de l’induction si on ne corrige pas les doses d’AVK.

Inhibition des CYP450

Une inhibition des cytochromes P450 va se traduire par une diminution du métabolisme des médicaments et soit par une augmentation des effets bénéfiques ou toxiques du médicament (pour les molécules directement actives) ou une diminution de l'effet (pour les prodrogues).

L’inhibition est un phénomène rapide, par blocage direct de l'enzyme, dont les effets sont souvent observés en moins de 24h. Les substances inhibitrices du cytochrome P450 les plus connues sont certains antibiotiques comme la ciprofloxacine, l’érythromycine, des antidépresseurs comme la fluvoxamine, des antifongiques avec notamment le kétoconazole et le miconazole, et les antirétroviraux (ritonavir) (Tab. 1).

Par exemple, les macrolides et les antifongiques imidazolés inhibent le métabolisme du tacrolimus et augmentent sa néphrotoxicité.

L’inhibition peut être un phénomène recherché dans certaines situations : dans le cas des antiviraux anti-VIH, le ritonavir est co-administré à d'autres antiprotéases pour ses propriétés inhibitrices du CYP3A4, pou r obtenir un effet "booster" et améliorer la biodisponibilité, et non pas pour ses propriétés antivirales propres. Le cobicistat est aussi utilisé pour ses propriétés inhibitrices du CYP3A4,  en association à l'elvitegravir, l'emtricitabine et le tenofovir dans la prise en charge du VIH.

La connaissance des molécules du Tableau 1 permettra d'anticiper ou détecter d'éventuelles interactions médicamenteuses. Cela est d'autant plus important pour les médicaments possédant un index thérapeutique étroit, pour lesquelles les interactions médicamenteuses entraineront rapidement une inefficacité ou une toxicité.

2. Métabolisme de phase II : réactions de conjugaison

Les biotransformations par réaction de conjugaison permettent d'obtenir des métabolites hydrosolubles, donc éliminables par voie rénale.

Les réactions de conjugaison sont principalement dues à des enzymes cytosoliques, exprimées majoritairement dans le foie, mais aussi dans les poumons et le rein. Les réactions de conjugaison résultent en un transfert de groupements polaires sur la molécule par l’acide glucuronique (glucuronoconjugaison), la glycine (glycoconjugaison), le sulfate (sulfoconjugaison) ou d’autres radicaux (méthyl, acétyl…). La glucuronoconjugaison constitue le mécanisme principal : elle est catalysée par des UDP-glucuronyl-transférases (UGT) qui favorisent la fixation de l’acide glucuronique sur un atome d’oxygène, d’azote ou de soufre d’une molécule. Par exemple, le paracétamol est un médicament métabolisé par glucuronoconjuguaison.

D’une manière générale, la conjugaison conduit à des métabolites moins actifs que le médicament.

3. Facteurs de variabilité

Le métabolisme des médicaments peut varier d’un individu à l’autre ou chez un même individu au cours du temps. Différents facteurs peuvent être à l’origine de cette variabilité (voir variabilités pharmacocinétiques).

Facteurs physio-pathologiques

Comme pour tous processus impliqué dans le devenir du médicament chez l’homme, certaines caractéristiques physiologiques (âge…) ou conditions pathologiques (insuffisance hépatique...) peuvent modifier les capacités de biotransformation des médicaments. Ces modifications physiopathologiques doivent être prise en compte lors de l’administration d’un médicament éliminé de l’organisme après biotransformation.

Interactions médicamenteuses

Le métabolisme des médicament peut aussi être affecté par la co-administration d’autres médicaments inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques (tableau 1). Ces phénomènes sont parfois si importants qu’il peut en résulter des effets cliniques suffisamment préoccupants pour contre-indiquer formellement une co-prescription des médicaments en cause. Pour reprendre l’exemple des AVK, le miconazole augmente de façon considérable l’effet anticoagulant des AVK par inhibition du métabolisme par les CYP450. Le risque hémorragique résultant de cette interaction est tel que l'association de ces médicaments est formellement contre-indiquée.

Polymorphismes génétiques

Des polymorphismes génétiques des enzymes du métabolisme des médicaments sont décrits pour de nombreux systèmes enzymatiques impliqués dans des réactions de phase I ou de phase II. Cette variabilité d’origine génétique a des conséquences parfois suffisamment importantes pour qu’elle soit recherchée en pratique thérapeutique. L’exemple le plus connu est celui de l’acétylation de l’isoniazide, antituberculeux, pour lequel on distingue :
• des acétylateurs rapides, avec une demi-vie d'élimination d'environ 1 heure. 
• des acétylateurs lents, avec une demi-vie d'élimination d'environ 3 heures. Du fait de cette demi-vie augmentée, des surdosages peuvent apparaître.

Si le développement et la généralisation des méthodes de génotypage a permis la mise en évidence et l’étude de nombreux polymorphismes touchant à peu près tous les systèmes enzymatiques impliqués dans la biotransformations des médicaments, il existe encore assez peu d’exemples de polymorphisme entraînant des répercussions cliniques significatives. Citons cependant comme exemple l’intérêt de l’étude du polymorphisme génétique concernant la biotransformation de l’azathioprine : le génotypage et phénotypage de la thiopurine-méthyl-transférase (TPMT) devrait permettre d’éviter des cas de leucopénie et d’aplasie médullaire par exclusion thérapeutique ou par réduction des doses.

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Excrétion

L’étape finale du devenir du médicament est son élimination de l’organisme ou excrétion. Le processus d’excrétion concerne le médicament sous forme inchangée et ses métabolites. Toute altération du fonctionnement de l’organe responsable de l’élimination se traduit par une diminution de l’élimination et un risque d’accumulation. L’élimination des médicaments et de ses métabolites est principalement réalisée par la voie urinaire et la voie biliaire.

1. L'élimination rénale

L’élimination rénale est la principale voie d’excrétion des médicaments. Le néphron, unité élémentaire du rein, est le lieu des phénomènes de filtration glomérulaire passive (médicaments sous forme libre, non liée aux protéines plasmatiques), et sécrétion tubulaire (Figure 8) faisant intervenir des transporteurs d'influx (Figure 4). 

 etapes du devenir fig 7

Figure n°8.

Elimination par filtration glomérulaire

La filtration glomérulaire est un processus de filtration du plasma induisant la formation de l’urine primitive. Ce phénomène est purement passif et ne dépend que des différences de pression de part et d’autre de la paroi glomérulaire.

L’excrétion par filtration glomérulaire dépend de la taille des molécules : le glomérule agit comme un filtre laissant passer toutes les substances dont le poids moléculaire est < 65000 Da. Les grosses molécules comme les protéines ne peuvent être éliminées par filtration glomérulaire. Par exemple, l’albumine, ne peut pas être filtrée et de ce fait, seule la fraction libre des médicaments liés à l'albumine peut être filtrée.

Ainsi, la fixation aux protéines plasmatiques est également un facteur limitant de la filtration glomérulaire : plus un médicament est fixé aux protéines plasmatiques, moins il pourra être sujet à la filtration glomérulaire (fraction libre faible). 

Enfin, pour permettre la filtration, il faut que la pression sanguine soit suffisante pour permettre l’écoulement du filtrat et contrebalancer la pression osmotique exercée par les protéines plasmatiques comme l’albumine. Le volume filtré par minute est d’environ 120 ml (environ le 1/10ème du débit sanguin rénal).

Elimination par sécrétion tubulaire

En plus de la filtration glomérulaire, certains médicaments peuvent être éliminés dans l’urine par sécrétion tubulaire au niveau du tube contourné proximal (Figure 8). C'est un phénomène actif car il utilise des transporteurs et de l'énergie, donc saturable et pour lequel une compétition peut s'exercer entre différentes molécules. Cette compétition peut être mise à profit à des fins thérapeutiques : l’élimination de la pénicilline est ainsi retardée par la co-administration de probénécide, qui entre en compétition avec la pénicilline pour la secrétion tubulaire. La sécrétion tubulaire intéresse par exemple les penicillines, les antiviraux, la metformine.

 

2. L'élimination biliaire ou intestinale

La seconde voie d’élimination importante est la sécrétion biliaire. Cette sécrétion permet d’éliminer les molécules métabolisées ou non par les hépatocytes.  Ce phénomène d’élimination intestinale peut être contrebalancé par un cycle entéro-hépatique (Figure 9). La bile contenant la molécule, souvent sous forme d’un dérivé conjugué, est déversée au niveau duodénal. Les substances conjuguées peuvent subir une hydrolyse (déconjuguaison) et redonner naissance à la molécule initiale. Elle est alors à nouveau résorbée et rejoint en partie la circulation générale. On constate alors un effet rebond au niveau des concentrations plasmatiques (un second pic plasmatique).

Ce type d’élimination est peut diminué en cas d’insuffisance rénale.

3.1.7.figure1

Figure 9: le cycle entéro hépatique.

 

3. Les autres voies d'élimination

Les autres voies d’excrétion restent des voies accessoires. On peut observer une élimination pulmonaire, principalement pour les produits volatils (anesthésiques...).

4. Les paramètres de l'élimination

La clairance correspond à la capacité de l’organisme à épurer la molécule après avoir atteint la circulation générale. Elle correspond au volume de plasma épuré par unité de temps, en général par heure (voir «quantification du devenir des médicaments»). La clairance totale cumule la clairance rénale, hépatique et la clairance par d’autres organes de métabolisme.

La demi-vie d’élimination correspond au temps nécessaire pour que la concentration plasmatique soit diminuée de moitié. La demi-vie dépend du volume de distribution et de la clairance (voir «quantification du devenir des médicaments»).

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